L’impact du numérique sur l’emploi dans l’assurance
Aucun de nous ne peut nier aujourd’hui l’impact du numérique dans les métiers de l’assurance. Ses effets se font considérablement ressentir depuis plusieurs années déjà. Si les vertus du numérique sont largement valorisées par les médias, force est de constater que cet engouement doit être tempéré par ses effets sur l’emploi, principalement dans l’assurance… Ainsi, comme dans toute mutation, elle ne peut avancer sans perdre inévitablement certains de ses pendants. La destruction créatrice de Joseph Schumpeter est à l’œuvre… La cause principale ? La dématérialisation des données, qui a tendance à automatiser les tâches jusqu’alors réservées à certains collaborateurs d’entreprise.
Les sociétés d’assurances doivent prendre en compte cette évolution très rapide des nouvelles technologies, afin de mieux cerner les attentes de la nouvelle clientèle qui s’offre à eux. Les consommateurs sont de plus en plus autonomes et avertis, notamment avec l’apparition des plateformes sur internet et des applications mobiles. Ils peuvent désormais avoir accès à un certain nombre d’informations très facilement, souvent sans recourir ni à un commercial, ni à un intermédiaire d’assurances. Nous pensons naturellement aux comparateurs ou aux souscriptions en ligne.
Internet s’impose donc comme le principal outil d’information des consommateurs sur le marché de l’assurance. A titre indicatif, Google enregistre plus d’un million de requêtes par mois sur son moteur de recherche pour l’expression-clef « assurance automobile ».
Quelle est l’étendue de la menace sur le secteur de l’assurance ? Le challenge n’est pas moindre pour les assureurs qui ne doivent pas rater le tournant du digital, faute de quoi ils risquent de se faire fortement concurrencer par les entreprises du numérique.
In fine, certains métiers ne trouvent plus leur place dans ce nouveau monde de l’assurance. Leur obsolescence est grandissante, s’ils ne se livrent pas à une pleine mutation, certains d’entre eux seront voués à disparaître ! Les commerciaux doivent apprendre à manier les données collectées, afin d’être mieux adaptés à l’économie d’aujourd’hui. Ils doivent aussi se se former aux nouveaux usages afin de répondre aux attentes des « nouveaux » assurés, notamment celles des clients les plus jeunes et les plus immergés dans l’économie numérique.
Le succès proviendra de l’adoption d’une position attractive face à la croissance du marché numérique. Toutes ces approches doivent aboutir à entretenir une relation privilégiée avec le consommateur, car la confiance est un actif essentiel dans l’économie numérique. En effet, les assureurs doivent utiliser le numérique, levier de fidélisation et de connaissance du client, comme une occasion de redorer leur blason et de s’imposer comme des acteurs en pointe du numérique, à l’écoute de leurs clients apportant des réponses concrètes à leurs besoins et à leurs attentes.
Dans cette perspective, nous vous proposons un article de Nicolas Thouet, intitulé « Le numérique, une menace sur l’emploi dans l’assurance ? » et publié dans la revue L’ARGUS de l’assurance le 17 mars 2016. Cet article nous invite à réfléchir sur la part d’ombre de la transition numérique dans l’assurance.
Même si le numérique a fait émerger de nouveaux métiers dans le monde de l’assurance, de nombreuses fonctions sont amenées à disparaître, ou à se réduire considérablement du fait de l’automatisation des tâches.
C’est ce qu’on appelle « une lente érosion ». Depuis quatre ans, selon le Rapport de l’observatoire sur les métiers des salariés de l’assurance (Roma), les effectifs de la branche reculent (voir infographie ci-contre). Alors certes, cette baisse reste légère (-0,3 % en 2014, même retrait l’année précédente). Mais la tendance s’installe. « La digitalisation s’accélère dans notre secteur et un certain nombre de processus changent. Les emplois et les métiers en sont transformés, de sorte que dans les prochaines années, on pourrait enregistrer une accélération de la montée en compétence de nos salariés, accompagnée d’un léger tassement naturel de nos effectifs », expliquait José Milano, alors directeur des affaires sociales de la FFSA, en septembre 2014 (voir L’Argus de l’assurance n° 7374).
Un an et demi plus tard, le constat n’a pas changé. Selon le rapport de l’Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance (Oéma), la famille « distribution et développement commercial » – qui englobe près iStock d’un tiers des salariés de la branche (31,4 %), enregistre un recul (-0,8 point en 2014) de ses effectifs. De même, le « support administratif » poursuit son déclin (4,8 % contre 5,2 % en 2013). Leurs points communs ? La dématérialisation des données ainsi que l’apparition des plateformes Web et des applications mobiles qui ont tendance à automatiser, dans ces deux familles de métier, les tâches à faible valeur ajoutée. « L’émergence des technologies a transféré sur le client un certain nombre d’actes de gestion », remarque Norbert Girard, secrétaire général de l’Oéma. Exemple : via les comparateurs, n’importe qui peut désormais confronter sur Internet le prix des offres proposées sur le marché, mais aussi souscrire en ligne à un contrat d’assurance. Or, cette tâche était dévolue, jusqu’à peu, aux commerciaux.
DES LICENCIEMENTS EN ALLEMAGNE
De fait, depuis quelques mois, plus aucun acteur du monde de l’assurance ne nie l’impact du digital sur les ressources humaines. Certains syndicats – à l’image de la CFDT banques et assurances qui vient de publier un rapport prospectif « sur le digital, le travail et le syndicalisme » à l’horizon 2025 – et de nombreuses branches (dont l’assistance, voir interview ci-contre), se sont emparés du sujet. En Allemagne, la transformation numérique est même pointée du doigt comme étant aujourd’hui source de licenciements. Generali, numéro 4 sur le marché allemand, vient ainsi d’annoncer la suppression de 1 000 postes (7,4 % de ses effectifs en Allemagne). Talanx, le troisième assureur allemand évoque plus de 600 licenciements d’ici à 2020 (12 % de ses effectifs).
Branche assurance : Un effectif en baisse depuis quatre ans
- 2011 147 750 salariés
- 2012 147 600 salariés
- 2013 147 100 salariés
- 2014 146 600 salariés
En France, le discours reste plus modéré dans les entreprises. « Certes, le numérique impacte la répartition des emplois. Mais nous ne sommes pas dans une politique de rupture, mais d’évolution », indique Benoît Serre, directeur général adjoint en charge des RH à la Macif. « En effet, le digital bouleverse certains emplois, mais ce mouvement se fera toujours au profit de nouveaux métiers. Dans le cadre de notre plan stratégique, nous prévoyons ainsi de recruter des data analysts, une fonction qui n’existe pas dans notre groupe », ajoute-t-il.
Il n’empêche, les nouveaux métiers liés au numérique – comme les datas scientists, directeur de la transformation digitale ou encore social media managers (voir L’Argus de l’assurance du 17 avril 2015) – ne sont pas légion. Et ne sont pas en mesure, en tout cas, de remplacer, numériquement, les bataillons de salariés – de nombreux gestionnaires – obligés aujourd’hui de se réorienter. L’an dernier, le nombre de recrutements dans l’assurance a ainsi chuté de 0,5 %.
Une tendance là aussi durable ?
Nicolas Thouet
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