





Freelances : la nouvelle arme des banques

La finance française traverse une mutation profonde, à la croisée de la transformation digitale, de nouvelles contraintes réglementaires et d’une évolution des attentes en matière d’emploi. Face à ces défis, les banques et assurances délaissent progressivement les schémas traditionnels d’embauche au profit de profils indépendants, plus flexibles et immédiatement opérationnels. Le phénomène, loin d’être marginal, s’accélère et redessine les contours du travail dans un secteur historiquement frileux face au freelancing.
Un boom de 20 % des missions freelance dans le secteur financier
Depuis 2023, les offres de missions issues du secteur banque-assurance ont bondi de 20 %, franchissant le cap des 40.000 missions sur la plateforme Malt contre 33.000 l’an passé. Cette envolée illustre un changement structurel dans la manière dont les acteurs financiers gèrent leurs besoins en compétences, malgré les réticences initiales liées aux exigences réglementaires, à la confidentialité des données et à la complexité de leurs opérations.
Le freelance n’est plus un tabou dans la finance
Longtemps perçus comme des profils périphériques, les freelances trouvent aujourd’hui leur place au cœur des organisations financières. À en croire Grégoire Corcos, fondateur de FinStart, être freelance en finance était encore mal vu il y a quelques années. Désormais, les entreprises privilégient des experts indépendants pour des missions ciblées, souvent au même niveau de compétence que des consultants de grands cabinets, mais avec un meilleur rapport qualité-prix.
Moins de CDI, plus de flexibilité : le basculement de l’emploi bancaire
Le recours aux freelances s’inscrit dans un contexte de baisse générale des recrutements traditionnels. En 2024, seuls 38.600 contrats (CDI/CDD) ont été signés dans les banques, soit une chute de 13,5 % par rapport à l’année précédente. Si cette tendance se poursuit, la part des contrats courts – freelances et alternants – pourrait rapidement dépasser celle des embauches classiques, même si les établissements affirment encore que le phénomène reste limité.
Des free-lances pour des fonctions désormais stratégiques
Autre évolution majeure : les freelances ne sont plus cantonnés aux fonctions de soutien. Leurs missions touchent désormais à des postes stratégiques comme contrôleur de gestion, expert en risques, administrateur système ou encore développeur Cobol. Certaines banques sont même allées jusqu’à confier à un freelance un poste de chief of staff, directement rattaché à la direction générale, chargé de piloter la mise en œuvre de la réglementation Dora.
Les réformes réglementaires, un moteur du freelancing bancaire
L’adaptation aux réglementations complexes comme Bâle III génère une forte demande de profils experts et disponibles rapidement. Ces projets impliquent des révisions massives des processus de reporting et mobilisent des équipes mixtes de salariés, consultants et indépendants. Dans certains cas, jusqu’à 30 personnes à temps plein ont été déployées pendant plusieurs mois, preuve de l’importance stratégique de ces transformations.
La révolution numérique renforce l’appétit pour les freelances tech
La digitalisation à marche forcée du secteur pousse les banques à renforcer leurs effectifs IT. Des projets d’envergure, comme Orion chez BPCE, nécessitent des compétences pointues (cloud, IA générative, data) que seul le marché freelance peut parfois offrir, en raison de la rareté des talents. Ces profils, indispensables pour mener les grandes transitions numériques, deviennent incontournables dans l’équation stratégique des établissements financiers.
Conclusion
Mais cette flexibilité a un coût, et pas seulement financier. Les freelances, qui facturent en moyenne 660 euros par jour dans la finance (contre 570 euros dans les autres secteurs), peuvent devenir des "hommes-clés" difficiles à remplacer en cas de départ anticipé. Le recours accru à ces statuts précaires (freelances, alternants) peut également accroître les risques de fraude, comme l’ont révélé récemment plusieurs affaires. En quête d’agilité, les banques devront désormais équilibrer rapidité d’exécution, sécurité des opérations… et maîtrise des coûts.
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