Daniel Antoni (Thélem Assurances) : « La pandémie n'a presque pas infléchi notre trajectoire de croissance »
Daniel Antoni, directeur général de Thélem assurances
Le directeur général de Thélem Assurances dresse le bilan de deux années chargées. L’assureur mutualiste a engagé une transformation technologique ambitieuse autour de l’assurance de personnes, secteur qu’il explore depuis peu.
L’Argus de l’Assurance. Quel bilan tirez-vous des deux dernières années pour Thélem Assurances ?
Daniel Antoni. Nous vivons dans un continuum de changements. La pandémie en est un nouvel épisode et elle nous a permis d’être encore plus adaptables et de faire évoluer les relations avec nos partenaires. Des caps irréversibles dans l’organisation du travail ont été franchis, chez Thélem comme chez nos agents. Il y avait une certaine réticence à utiliser les outils à distance ; aujourd’hui, ce n’est plus un sujet. Il en va de même avec les outils collaboratifs, ce qui fait évoluer en profondeur notre manière de travailler. Et la pandémie n’a presque pas infléchi notre trajectoire de croissance. La valeur de notre portefeuille a progressé de 12 % en deux ans, alors que nos produits et marchés sont finalement très classiques. Plusieurs explications à cela. Le dossier des pertes d’exploitation a été géré sans à-coups : il n’y a pas eu de problème d’interprétation de nos contrats et les agents ont eu à disposition des outils pour agir
au cas par cas. Nous avons aussi su nous adapter continuellement et repartir en conquête commerciale une fois passée la crise sanitaire.
L’assurance dommages est sous pression avec, entre autres, la multiplication des catastrophes naturelles… Comment abordez-vous ce contexte difficile ?
En effet, la dégradation technique est structurelle. Thélem pratique donc une politique de lissage des tarifs dans le temps pour éviter des hausses trop brutales. Mais un nouveau phénomène entre en jeu : l’inflation. Il faut faire en sorte que ces augmentations restent supportables. Plusieurs pistes existent : lutter contre la fraude, faire évoluer la gestion de sinistres (en auto, en travaillant avec des réseaux de réparateurs agréés), poursuivre le développement de l’indemnisation de gré à gré en habitation… Tous ces outils peuvent modérer les hausses tarifaires. Thélem a deux derniers atouts : une bonne solvabilité… et le fait d’être une mutuelle !
Les hausses tarifaires sont toutefois un point de friction récurrent avec les agents…
L’essentiel est de faire des choses raisonnables dans un contexte compliqué. Thélem constate une baisse continue des résiliations ces dernières années, ce qui prouve que notre politique tarifaire est comprise par les assurés comme par les réseaux de distribution.
Pourquoi lancez-vous une nouvelle offre d’assurance multirisque professionnelle ?
Nous faisons régulièrement évoluer nos produits, mais nous avions peut-être un peu moins travaillé les offres pour les pros. Le potentiel de ce marché est important. C’est pourquoi nous avons accéléré la construction de notre nouvelle offre MR Pro, lancée en juin. En raison de la proximité qu’entretiennent nos agents et courtiers distributeurs avec leurs clients, elle devrait viser surtout les TPE et PME.
Une année 2021 encourageante
• 394,4 M€ de chiffre d’affaires (+ 3,1 % depuis 2020)
• 7,5 M€ de résultat net (stable par rapport à l’année précédente)
• 222 % de ratio de solvabilité (contre 189 % en 2020 et 207 % en 2019)
L’assurance de personnes reste minoritaire dans le chiffre d’affaires de Thélem, mais sa part progresse. Quelles sont vos ambitions ?
L’assurance de personnes représente 22 % de notre portefeuille, alors que nous partions de presque rien il y a quinze ans. Cette part doit encore être améliorée pour rééquilibrer la part de l’assurance de personnes face à celle du IARD. La santé est un marché difficile, mais majeur, qui crée une proximité immédiate avec l’assuré : nous sommes aujourd’hui surtout présents auprès des travailleurs non salariés (TNS) et des retraités. Quant à notre forte progression en emprunteur, elle montre notre maturité croissante sur la prévoyance. La prochaine réforme devrait ouvrir encore plus ce marché, bien que des inconnues techniques subsistent.
Outre les agents et courtiers, vous distribuez aussi vos produits en dommages via une dizaine de mutuelles. Cela va-t-il se poursuivre, notamment avec Aésio (désormais marié au groupe Macif) ?
Nous continuons l’ensemble de nos partenariats de distribution avec les mutuelles, y compris avec Aésio : nous sommes toutefois conscients qu’avec le rapprochement avec la Macif et la naissance d’Aéma, nous ne sommes pas décisionnaires quant à l’avenir de ce partenariat. Ceci étant dit, ces partenariats restent une activité d’appoint pour Thélem assurances : 82% de notre chiffre d’affaires provient des agents, viennent ensuite les courtiers puis ces partenariats.
En deux ans, vous avez opéré une mue informatique. Qu’attendez-vous de votre partenariat avec l’éditeur de logiciels Salesforce ?
Ce qui nous a poussé à mener cette révolution, c’est l’orientation client. Nos NPS (net promoter score) sont au-dessus de 40, mais ils pourraient encore être améliorés. Or l’analyse de la satisfaction de nos assurés montre que le moteur principal reste l’agent général. Nous devons donc leur fournir des outils performants, ce que permettent les solutions de Salesforce. Cet enjeu technologique est aussi important pour le siège. Nos décisions doivent être rapides pour répondre aux agents, dont les pouvoirs de délégation sont très vastes et vont s’étendre encore. Notre nouvelle architecture technique répond à ce besoin de fluidité. Salesforce est devenu le poste de travail le plus utilisé dans l’entreprise, capable de mettre en lien les agents généraux, les collaborateurs, les gestionnaires, mais aussi les espaces dédiés aux assurés. Derrière ces changements technologiques, il y a donc surtout une évolution de la culture du groupe et de la manière de travailler !
Vous avancez beaucoup sur les sujets de l’innovation…
Une intense révolution technologique est en cours, d’où la nécessité de refondre notre système d’information pour nous y adapter. La data est aussi un enjeu majeur. Elle aura un impact sur la prévention, sur la tarification, sur la modélisation des risques… Nous travaillons depuis 2018 avec diverses universités, notamment le laboratoire d’économie d’Orléans (LEO), sur l’intelligence artificielle. Thélem vient de lancer l’offre Insurance Smart Home Pricing, conçue par Addactis et namR, sur l’habitation, qui permet de tirer le meilleur parti des data externes, structurées ou pas (images aériennes…). Ce produit pourra améliorer notre tarification et nous aider à mieux connaître nos clients dans une optique de prévention. L’objectif : garder un temps d’avance dans un monde qui évolue toujours plus vite.
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