SFAF
L’affacturage « déconsolidant » peut biaiser l’information financière
Article initialement posté sur le site de la SFAF
Eric Blain, membre de la commission Comptabilité de la SFAF, détaille le fonctionnement de l’affacturage, qui peut être réalisé par les entreprises afin de renforcer leur trésorerie. Dans l’intérêt des analystes financiers, il propose aux sociétés qui utilisent cette technique de financement de l’intégrer dans leur bilan, pour une lecture plus claire des communication financières.
L’opération d’affacturage consiste à céder des créances clients à sa banque tout en conservant le risque sur le paiement de cette créance. Cette technique constitue une source de financement remarquablement souple pour les entreprises car elle est liée à l’évolution de l’activité. Elle s’assimile à un financement court terme qui, jusqu’à récemment, avait un coût extrêmement réduit.
Bandeau publicitaire d’une banque de fin 2023
Autrefois, cette manipulation était très largement utilisée fin décembre par les responsables financiers pour montrer la photo d’un bilan au 31 décembre plus sain en transformant du poste « client » en trésorerie à la banque !
Les règles comptables ont évolué avec les IFRS, afin de retraiter cette opération en maintenant la créance client au bilan. Ceci annule l’effet pervers de cette présentation tant que le risque client est conservé par l’entreprise, ce qui est le cas le plus fréquent. L’impact d’un contrat d’affacturage conservant le risque client est donc sans impact pour l’analyste financier en normes IFRS.
Rappelons toutefois que les normes IFRS ne sont pas obligatoires sur Euronext Growth et qu’il faut donc « fouiller » dans le rapport financier pour essayer de trouver le montant de l’affacturage et sa variation dans l’année.
L’affacturage « déconsolidant » est né du fait de la cession du « risque client » à la banque, qui permet alors à l’entreprise de couper le lien financier avec son client sur cette créance. Cette opération est faite par le banquier lorsqu’il a confiance dans le client de l’entreprise, puisqu’il prend le risque du paiement. Ainsi s’il s’agit d’un client de « qualité » (Etat, entreprise publique, entreprise du CAC 40…), le surcoût demandé par la banque pour transformer l’affacturage d’une créance en affacturage « déconsolidant » sera extrêmement faible. Faible taux et faible surcoût expliquent en grande partie l’essor du factoring « déconsolidant ».
Dans ce cas-là, pourquoi se questionner sur le factoring déconsolidant (affacturage) ?
Ce poste est très souvent difficile, voire impossible, à retrouver car non défini (autrement appelé Factor, « cessions de créances clients »…) et n’est pas précisé comme étant déconsolidant ou pas. Il ne se trouve éventuellement que dans le rapport financier, qui n’est pas disponible lors de la présentation des comptes.
Cette difficulté mériterait d’être évitée par un tableau simple et clair précisant :
- Le montant de l’affacturage « déconsolidant » au début et à la clôture de l’exercice ;
- Sa variation sur la période pour les semestriels.
Les biais concernant l’usage ou non de ces chiffres sont au moins de 2 ordres :
- Le montant de la dette nette avec son implication sur la valeur d’entreprise ;
- La génération de cash en modifiant le BFR par le changement du statut d’un contrat d’affacturage ou du montant mis en déconsolidation.
Sur le premier point concernant la dette, de manière basique, si l’on justifie la capitalisation boursière d’une société par la valeur d’entreprise, dont on déduit un endettement net, l’exercice aboutira à des résultats très différents. Le fait de mettre en place un montant X d’affacturage « déconsolidant » diminuera à un instant donné la dette nette et augmentera du même montant X la capitalisation boursière issue d’une même valeur d’entreprise. Certaines sociétés, particulièrement transparentes sur ce sujet, ont fait apparaître dans leur communication financière une notion « d’endettement économique » qui intégrait bien l’affacturage « déconsolidé », ce qui paraît mieux refléter la réalité de la dette.
Sur le deuxième point, l’augmentation significative du montant des créances mises en affacturage « déconsolidant » améliore sensiblement le BFR par la réduction du poste « client » et permet de faire apparaître une génération de cash (Free Cash-Flow) qui peut n’être qu’épisodique. En effet, une variation sensiblement supérieure à celle du CA ne pourra être récurrente et peut induire l’analyste en erreur si les montants et les variations ne sont pas précisés.
En conclusion, sans entrer dans un débat philosophique sur le traitement de l’affacturage « déconsolidant », il serait utile que la communication d’un tableau simple et clair sur le montant de l’affacturage « déconsolidant » en début et en fin de période soit inscrite dans les usages des entreprises qui utilisent cette technique de financement. Ainsi, cela ferait donc apparaître la variation influençant le tableau de flux de la période.
Nb :
La hausse des taux courts augmentera sensiblement le coût de cette technique dès l’exercice 2023.
L’augmentation des risques de défaillance peut également réduire l’appétence des banquiers pour l’affacturage « déconsolidant ». Ainsi, les déboires de certains acteurs de « la prise en charge de personnes dépendantes » ont amené les banquiers à limiter la prise de risque sur ce secteur, pénalisant la possibilité d’affacturage « déconsolidant » pour leurs fournisseurs.
Le « Reverse Factoring » consiste en la mise en place d’un affacturage « déconsolidant » impliquant le banquier du client qui prend en charge les créances du fournisseur de son propre client.
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