2ème baisse des taux pour la BCE qui reste attentive à l'inflation
La Banque centrale européenne (BCE) a répondu aux attentes en assouplissant légèrement sa politique monétaire : son taux directeur principal est passé de 3,75 % à 3,50 %, marquant ainsi une baisse de 25 points de base (pb). Pourtant, des incertitudes subsistent quant à l’évolution des prix et à la croissance économique en Europe. Après un premier assouplissement en juin dernier, suivi d'une pause en juillet, la BCE a franchi une nouvelle étape avec cette réduction de taux, bien que celle-ci ne soit pas totalement inattendue. De plus, les taux de la facilité de refinancement et de la facilité de prêt marginal ont été abaissés de 60 points de base, se stabilisant respectivement à 3,65 % et 3,90 %. Toutefois, ces ajustements techniques n'ont pas d'effet immédiat sur la politique monétaire générale, car ils n’ont plus d'influence directe sur le coût de l'argent.
Cette décision reflète un consensus au sein des banquiers centraux européens, qui avaient largement anticipé une telle évolution. Les "colombes", membres modérés du Conseil des gouverneurs, avaient plaidé pour une nouvelle baisse des taux, tandis que les "faucons", fervents partisans d'une stricte orthodoxie monétaire, n’ont pas jugé nécessaire de s’opposer à cette mesure. Christine Lagarde, présidente de la BCE, a souligné lors de la conférence de presse que cette décision avait été prise à l’unanimité, ce qui témoigne de la cohésion interne au sein de l’institution.
Une inflation en retrait, mais des préoccupations persistantes
L'inflation, qui reste au cœur des préoccupations de la BCE, a montré des signes de ralentissement en août, avec une hausse des prix de 2,2 % sur douze mois, se rapprochant de l’objectif de 2 % que s’est fixé la banque centrale. Ce recul de l’inflation générale est un signe encourageant pour les décideurs économiques, bien qu’il ne soit pas encore suffisant pour rassurer complètement. L’une des principales préoccupations reste la hausse des salaires, souvent perçue comme un moteur potentiel de l’inflation à long terme. Cependant, sur ce point également, des signes positifs émergent : la rémunération par employé n’a augmenté que de 4,3 % au deuxième trimestre, contre 4,8 % lors des trois premiers mois de l’année. Ce ralentissement est significatif, car il montre que la pression salariale commence à diminuer, bien loin des 5,1 % redoutés initialement par la BCE.
Malgré cette relative accalmie, l’avenir demeure incertain. L'inflation globale, bien qu’en baisse, reste problématique dans certains secteurs. Dans le domaine des services, par exemple, elle est restée élevée en août, atteignant 4,2 %, bien au-dessus de l’objectif de 2 %. Christine Lagarde s’est voulue rassurante, estimant que cette inflation sectorielle finirait par se modérer, mais elle a également précisé que cette amélioration ne surviendrait probablement pas avant l'année prochaine. Par ailleurs, l’inflation sous-jacente, qui exclut les prix volatils de l’énergie et de l’alimentation, reste à un niveau préoccupant de 2,8 %, ce qui montre que la pression inflationniste ne s’estompe pas aussi rapidement que la BCE le souhaiterait.
Un contexte économique fragile et un risque de récession
Parallèlement, la situation économique en zone euro devient de plus en plus fragile. Les dernières données révèlent que le produit intérieur brut (PIB) du deuxième trimestre a été révisé à la baisse, affichant une croissance de seulement 0,2 %, contre une prévision initiale de 0,3 %. Ce faible taux de croissance soulève des inquiétudes quant à la solidité de la reprise économique. Selon Juliette Cohen, analyste chez CPR AM, bien que le revenu disponible des ménages ait augmenté, la consommation reste faible. En effet, le taux d’épargne des ménages a progressé, ce qui reflète une incertitude croissante face à la conjoncture économique. Cette prudence des ménages à dépenser leur argent sape les espoirs d’une reprise rapide de la consommation, moteur traditionnel de la croissance.
Christine Lagarde elle-même a reconnu les difficultés économiques auxquelles la zone euro est confrontée, évoquant les « vents contraires » qui freinent la reprise. Elle a noté que les hausses de taux décidées en 2023 produisaient encore des effets sur l'économie, mais que leur impact allait progressivement s’atténuer. Néanmoins, un risque persistant reste que la BCE, en maintenant une politique monétaire trop restrictive, ne finisse par plonger la zone euro dans une récession. C’est un dilemme auquel sont confrontés les responsables de la politique monétaire : assouplir trop rapidement pourrait relancer l'inflation, tandis qu'une trop grande rigidité pourrait peser lourdement sur la croissance.
Incertitudes sur la suite de la politique monétaire
Face à ces tensions, les marchés financiers sont dans l'expectative et spéculent sur la direction future de la politique monétaire de la BCE. Ils tentent de deviner si la faiblesse de l’économie ou les doutes persistants sur l'inflation l’emporteront dans les décisions à venir. Certains observateurs prévoient une nouvelle baisse des taux dès décembre, en suivant un calendrier de réduction trimestriel. Dans ce scénario, la BCE continuerait de se baser sur les données économiques actualisées pour ajuster ses décisions, conformément à sa doctrine de "dépendance aux données". Cependant, d’autres analystes estiment que la BCE pourrait adopter une approche plus prudente, en attendant des signes plus clairs sur l’évolution de l’inflation et de la croissance avant de prendre de nouvelles décisions.
Un calendrier incertain pour les prochaines baisses de taux
Christine Lagarde a tenu à préciser que, bien que la BCE soit sur une trajectoire d’allègement monétaire, elle n’a pas défini de calendrier précis pour les prochaines baisses de taux ni pour leur ampleur. La présidente n’a pas totalement écarté la possibilité d’une nouvelle action dès octobre, mais elle ne s’est pas non plus montrée particulièrement enthousiaste à ce sujet. Les marchés, qui anticipaient encore il y a peu un nouvel assouplissement en octobre, suivi d'une autre réduction en décembre, ont désormais revu leurs attentes à la baisse, n’accordant qu'une probabilité de 50 % à deux baisses d’ici la fin de l’année.
Carsten Brzeski, analyste chez ING, partage l’avis que la BCE finira par accélérer le rythme des baisses de taux, mais il prévient que cela n'arrivera probablement pas avant l’année prochaine. Il souligne que des facteurs comme les négociations salariales en Allemagne et les anticipations croissantes en matière de prix de vente laissent présager une persistance de l’inflation à court terme. La BCE, selon lui, voudra s’assurer que la pression inflationniste est sous contrôle avant de s'engager dans une politique de baisses de taux plus agressives.
Enfin, en réaction au discours prudent de Christine Lagarde, le taux obligataire allemand à deux ans, particulièrement sensible aux évolutions de la politique monétaire, a légèrement rebondi après la conférence de presse. Toutefois, cette hausse n'a pas suffi à compenser la chute récente de 25 points de base enregistrée en moins de dix jours, ni la baisse plus large de 75 points de base par rapport à son niveau d’avant la première réduction de taux opérée par la BCE en juin. Les marchés restent donc dans l’expectative, attendant de voir comment la situation économique évoluera avant d’ajuster leurs anticipations sur les futures décisions de la BCE.
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