




80 heures par semaine à 23 ans

Le monde feutré de la haute finance parisienne est en pleine mutation. L’installation massive des super-boutiques américaines a chamboulé les équilibres, créant un terrain de jeu aussi prometteur que brutal. Si cette transformation dynamise la place parisienne, elle impose des conditions de travail extrêmes, surtout aux jeunes recrues, qui paient cher leur ticket d’entrée dans cet univers d’élite.
Une déferlante américaine qui redessine le paysage bancaire parisien
Depuis le recrutement stratégique de Matthieu Pigasse par Centerview Partners en 2020, Paris est devenu le terrain d’expansion des firmes américaines de M&A. Evercore, PJT Partners, Moelis et d’autres ont suivi, créant une véritable ruée vers l’or des talents bancaires. En cinq ans, plus de 150 banquiers seniors ont été débauchés, forçant les acteurs traditionnels comme Lazard et Rothschild à défendre leurs positions sur leur propre territoire.
Un eldorado réservé à une élite triée sur le volet
Ce renouveau attire les banquiers seniors aguerris, qui voient leurs salaires grimper grâce à une concurrence féroce entre cabinets. Ceux qui possèdent une solide base de clients deviennent des objets de convoitise. Mais cette dynamique ne concerne qu’une minorité : pour les aspirants banquiers, l’ascension reste rude et semée d’embûches. L’écart entre les élites et les débutants n’a jamais été aussi flagrant.
Des conditions de travail implacables pour les jeunes analystes
Pour accéder à un poste d’analyste, les jeunes doivent accumuler jusqu’à 12 mois de stages intensifs, souvent dans des conditions proches de l’exploitation. Les journées de 16 heures sont la norme, et la culture d’entreprise reste profondément hiérarchisée. Dans certaines équipes, un Managing Director ne connaît même pas le prénom de ses associés. Cette ambiance austère s’explique en partie par la formation antérieure des jeunes diplômés, issus de grandes écoles françaises, elles-mêmes très rigides.
Un marché saturé aux marges de plus en plus minces
Le problème fondamental du marché français est structurel : trop de banques, pas assez de clients. Cette surabondance entraîne une guerre des prix qui mine la rentabilité. Même si les M&A évitent de baisser officiellement leurs tarifs, la réalité est toute autre. À travail égal, les banquiers parisiens gagnent moins que leurs homologues à Londres ou New York. Le rêve de la City made in Paris se heurte à des réalités économiques tenaces.
Travailler plus pour briller : la surenchère non tarifaire
Face à cette pression sur les prix, les banques misent sur un autre levier : prouver leur engagement par la charge de travail abattue. Résultat : les jeunes se retrouvent à enchaîner 30 heures en deux jours, à jongler entre prospection et exécution. Cette logique de surperformance est devenue une norme toxique, renforçant l’image d’un Paris bancaire encore plus dur que les places anglo-saxonnes. Certains y voient un rite de passage, d’autres un abus institutionnalisé.
Peu d’échappatoires et un avenir incertain pour les jeunes
Même une fois l’épreuve surmontée, les perspectives restent étroites. En France, le marché du private equity, souvent refuge des banquiers fatigués, est trop peu développé pour absorber les déçus. Ceux qui tiennent bon peuvent espérer grimper, mais à condition de respecter les codes : on ne tutoie pas un directeur M&A, même après une nuit blanche. Ce mélange d’exigence et de rigidité laisse peu de place à l’erreur ou à l’improvisation.
Pendant ce temps, Sunak revient dans la finance en toute décontraction
À contre-courant de cette intensité, Rishi Sunak, ancien banquier chez Goldman Sachs et ex-Premier ministre britannique, signe son retour dans la finance en tant que conseiller senior… chez Goldman. Son geste est purement symbolique, puisqu’il reverse son salaire à une association. Dans une vidéo récente, vêtu d’un gilet polaire, il célèbre un chantier routier local, laissant transparaître un léger vide existentiel. Une scène presque surréaliste en contraste total avec la frénésie parisienne.
Conclusion
La finance à Paris n’a jamais été aussi exigeante, ni aussi segmentée. Si les opportunités pour les seniors explosent, les jeunes, eux, doivent survivre à un parcours d’endurance éreintant dans un marché saturé, hiérarchisé et peu rémunérateur. Entre rêves de grandeur et réalités brutales, l’univers bancaire parisien impose ses codes sans concessions. À ceux qui s’y aventurent : courage, mes braves.
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