




Le Private Equity Français à l'épreuve de l'instabilité : Résistance ou alerte rouge ?

Le secteur français du capital-investissement (Private Equity) se trouve dans une situation paradoxale. D'un côté, il maintient un niveau de collecte de fonds respectable, témoignant de sa maturité et de l'intérêt des investisseurs internationaux. De l'autre, il subit de plein fouet les effets de l'instabilité politique française et du ralentissement économique, qui grippent son mécanisme essentiel : les cessions d'entreprises. Face à ces signaux contradictoires, France Invest, par la voix de sa présidente Sophie Paturle, appelle à une vigilance absolue, plaidant pour le maintien d'un cadre fiscal stable, vital pour la compétitivité française.
I. La collecte de fonds : Une façade solide mais fragile
Les chiffres de la première moitié de l'année 2025 sont rassurants en apparence. Les gérants français ont levé 17,4 milliards d'euros, un montant stable par rapport aux années précédentes. Mieux, l'attractivité internationale semble intacte, puisque les capitaux étrangers collectés ont légèrement augmenté, atteignant 4,9 milliards d'euros. L'entrée de l'Américain Warburg Pincus au capital de Sebia (valorisé à 5 milliards d'euros) en est une illustration frappante.
Toutefois, cette solidité est trompeuse. Le marché se polarise fortement : les levées se concentrent sur une poignée de géants du secteur, laissant les autres acteurs batailler. Pour ces derniers, les levées sont devenues "plus longues et difficiles", le temps nécessaire pour finaliser un fonds ayant atteint un record de 21,6 mois. L'instabilité rend les investisseurs plus sélectifs, ciblant prioritairement les "valeurs sûres".
II. L'effondrement des cessions : Le moteur du private equity s'étouffe
L'inquiétude majeure réside dans le marché des sorties. Le nombre d'entreprises cédées est tombé à 581 au premier semestre 2025, soit le niveau le plus faible depuis 2016. Or, sans cession (ou exit), il est impossible pour les fonds de générer du cash à redistribuer à leurs investisseurs et, in fine, de lever un fonds successeur. Le Private Equity est un cycle, et si l'étape de la sortie est bloquée, l'ensemble du système est menacé.
Les opérations de M&A continuent d'exister, mais elles sont réservées aux meilleurs actifs et s'éternisent en longues négociations. La conséquence directe de ce blocage est un coup de frein sur les investissements : seulement 10,1 milliards d'euros ont été déployés, la plus faible dynamique observée depuis 2021.
III. Le double avertissement de France Invest : Fiscalité et compétitivité
Face aux incertitudes budgétaires, l'appel de France Invest est double et urgent.
-
Stop à la surtaxation : La présidente Sophie Paturle insiste : la France possède déjà la fiscalité d'entreprise la plus lourde d'Europe. Toute mesure qui viendrait l'alourdir nuirait gravement à la compétitivité et à l'attractivité du pays.
-
Protection de l'épargne : Il est impératif de préserver les dispositifs fiscaux encourageant l'épargne des particuliers vers le non-coté (notamment via l'assurance-vie), car c'est une source de financement cruciale pour les PME et ETI.
Ce plaidoyer est étayé par un fait marquant : les gérants français se tournent de plus en plus vers l'Europe, les investissements hors de France ayant bondi à 34 %. Si la France ne garantit plus la stabilité de son cadre fiscal, elle risque de voir ses propres champions financer la croissance... de ses voisins.
Le Private Equity français est aujourd'hui à un "moment darwinien". Il est fort, mais vulnérable. La résilience de sa collecte prouve son statut d'actif de long terme, mais l'effondrement des cessions et le ralentissement des investissements sonnent l'alarme. L'enjeu dépasse le seul secteur financier : il s'agit de la capacité de la France à conserver un environnement d'affaires attractif. Pour éviter que ses propres fonds ne sacrifient l'Hexagone au profit de ses voisins européens, la stabilité politique et fiscale apparaît comme le facteur clé de sa survie et de sa prospérité future.
- Vues60