




L’industrie des paiements se féminise

L’industrie des paiements, longtemps bastion masculin porté par des profils d’ingénieurs, connaît une transformation en profondeur. Portée par une dynamique d’innovation et une ouverture à la diversité des parcours, elle devient un terrain de conquête pour les femmes. Si les inégalités persistent, les lignes bougent grâce à des parcours inspirants, des réseaux engagés et des politiques de mixité qui commencent à porter leurs fruits.
Un secteur en pleine mutation, propice à la diversité
Loin d’être une simple niche technologique, l’industrie du paiement constitue un écosystème complexe mêlant acteurs financiers (Visa, Stripe, PayPal), régulations strictes (comme la directive DSP3), infrastructures techniques et cybersécurité. Ce brassage de compétences attire des profils variés, et cette diversité est perçue comme une richesse par Martina Weimert, directrice de l’EPI. Elle y voit une opportunité de féminiser le secteur, en tirant parti de la pluralité des métiers et des perspectives.
Les réseaux féminins prennent le pouvoir
Pour contourner les freins structurels à leur ascension, les femmes s’appuient sur des réseaux spécialisés, comme le European Women Payments Network (EWPN), qui célèbre ses 10 ans en 2025, ou encore Financi’Elles, Women in Payments et The Circle. Ces communautés jouent un rôle clé : elles inspirent, guident et visibilisent des femmes dans un secteur encore peu mixte. Pour Hélène Roizin, coanimatrice du groupe femmes du France Payment Forum, ces réseaux sont essentiels pour attirer les talents féminins dans une industrie en tension et en quête de profils internationaux atypiques.
Des carrières hors normes comme levier de transformation
Contrairement aux idées reçues, il n’est pas indispensable d’avoir fait une école d’ingénieurs pour réussir dans les paiements. De nombreuses femmes aujourd’hui à des postes stratégiques ont commencé dans d’autres domaines : droit, marketing, relation client, finance. C’est le cas de Fanny Rodriguez, juriste devenue COO chez Fintecture, ou de Gabrielle Bugat, ingénieure passée par Schlumberger avant de diriger G+D ePayment à l’international. Cette diversité de parcours montre que la prise de risque – même académique – devient un moteur d’accès au leadership.
Des femmes visibles, inspirantes et conscientes de leur rôle
Certaines dirigeantes acceptent leur rôle de "role model", même si elles ne le revendiquent pas d’emblée. Martina Weimert estime que son poste peut encourager d’autres femmes à viser des responsabilités similaires. Mais les chiffres sont parlants : dans les fintechs ou les métiers techniques, les femmes restent largement sous-représentées. D’où l’importance d’une action collective : prise de parole dans les médias, participation à des conférences, programmes de sensibilisation dans les écoles. Car sans identification possible, les jeunes femmes hésitent à s’engager dans ces filières.
Des entreprises engagées pour la parité
Des groupes comme Giesecke+Devrient (G+D) ou BPCE Payment Services affichent des résultats concrets en matière de mixité. Chez G+D, un quart des managers sont des femmes, avec des postes de direction à l’international. Chez BPCE, 43 % des leaders sont des femmes et plusieurs dispositifs de mentorat ont été mis en place depuis 2024. En parallèle, un partenariat avec Becomtech permet d’agir en amont auprès des collégiennes issues de quartiers prioritaires. À La Banque Postale, où Adriana Saitta dirige la division paiements, 60 % des effectifs sont féminins et plus de 42 % des postes de direction stratégique sont occupés par des femmes.
Les fintechs à la traîne face au défi de la mixité
Malgré leur image moderne et agile, les fintechs accusent un net retard. Dans les start-up comme Nickel, Quonto ou Lyra, les femmes sont quasi absentes des postes de direction technique ou financière. Selon l’Observatoire de la fintech, cela s’explique par une focalisation sur la croissance et un manque de maturité RH. Les stéréotypes persistent, poussant les femmes vers des environnements plus sécurisants, comme les grandes entreprises. Seule exception notable : Claire Calméjane, ex-Société Générale, aujourd’hui à la tête de Foundever. Pour inverser la tendance, des quotas ou politiques RH plus offensives pourraient s’avérer nécessaires.
Conclusion
Le mouvement vers plus de mixité dans l’industrie des paiements est en marche, porté par des femmes audacieuses, des entreprises volontaristes et des réseaux structurés. Mais les déséquilibres restent forts, surtout dans les structures les plus innovantes. Pour que la transition réussisse, il faudra continuer à valoriser les rôles modèles, ouvrir des portes dès l’éducation, et faire émerger une culture du risque au féminin. Car c’est bien de transformation culturelle qu’il s’agit.
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