



De Black Mirror à Westworld, les technologies imaginées seraient-elles de pures fantasmagories ou une réalité approchant à grand pas ?

Intelligence artificielle, objets connectés, réalité augmentée, réseaux sociaux… de Black Mirror à WestWorld, le monde des séries est hanté par l’innovation technologique et le numérique. Comment la technologie est-elle imaginée et représentée dans ces séries ? Quel regard ces dernières nous invitent-elles à porter sur notre propre société « high tech » ?
Retour sur cette obsession technologique avec François Jost, professeur émérite en sciences de l’information et de la communication à l’université Sorbonne Nouvelle Paris 3.
LES TECHNOLOGIES IMAGINÉES DANS LA SÉRIE BLACK MIRROR SONT-ELLES DE PURES FANTASMAGORIES OU SONT-ELLES CRÉDIBLES ?
F.J. : Les technologies mises en scène dans Black Mirror sont les prolongements de nos dispositifs numériques actuels. Rien de fantasmagorique, donc ! Prenons les trois technologies suivantes :
Le « grain », cette puce implantée derrière l’oreille de tous les êtres humains (épisode Retour sur image) qui permet d’enregistrer ses souvenirs puis de revoir sa vie et d’en faire des arrêts sur image. C’est un principe qui existe déjà dans les montages vidéo. La différence avec Black Mirror, c’est que la technologie est directement implantée dans le corps humain.
Citons ensuite l’image de synthèse dans l’épisode Le Show de Waldo qui devient plus crédible que sa propre existence. Là encore, il s’agit de la mise en scène d’une technologie qui existe, mais c’est davantage son statut ontologique qui est bousculé.
Enfin, dans l’épisode Chute libre, c’est le concept même de l’économie participative avec le tsunami des applications mobiles qui est poussé à sa limite. Ces applications nous environnent déjà : les plateformes comme Yelp permettent de « noter », « liker », et au final recommander ou non ce service. Dans Black Mirror elles sont tout simplement appliquées aux humains comme outils de pilotage et d’évaluation en continu de sa vie.
En misant sur l’extrapolation, ces scenarios sont donc d’abord et avant tout des interprétations « extrêmes » de technologies que nous connaissons déjà.
COMMENT LA TECHNOLOGIE EST-ELLE PERÇUE ? LE REGARD PORTÉ SUR CES SOCIÉTÉS « HIGH TECH » EST-IL POSITIF OU INQUIÉTANT ?
F.J. : Certaines technologies sont des échecs, comme la puce électronique de l’épisode Retour sur image. A la fin de l’épisode, le garçon arrache sa puce et refuse ainsi l’idée que tout puisse être enregistré et quantifié dans nos vies.
De même dans l’épisode Bientôt de retour, Martha n’acceptant pas la mort de son fiancé, celle-ci souscrit à un service d’intelligence d’artificielle qui lui permet de retrouver son fiancé sous la forme d’un avatar. Ce dernier lui ressemble de manière saisissante mais est relégué au grenier par Martha qui ne peut plus supporter ce fac-similé. Elle ne se résout pas cependant à s’en séparer complètement. Le robot conduit Martha à suivre les traces de Sisyphe, héros absurde ayant échoué dans sa quête de l’immortalité, à connaître la douleur sur des décennies.
L’épisode La Chasse met en scène un personnage principal condamné à revivre chaque jour son crime mais dans la peau de sa victime. Le classique de Dostoïevski Crime et Châtiment est ici en quelque sorte revisité : le héros ne peut pas effacer le crime qu’il a commis. La nouvelle technologie est ainsi utilisée pour punir bien plus durement les criminels que le système judiciaire actuel.
Dans ces séries où triomphe le tout-numérique et où la technologie prend une place prépondérante, le « droit à l’oubli » et le « droit à la déconnexion » deviennent pour l’homme des valeurs fondamentales.
DKRYPTAGE
Black Mirror dépeint à l’extrême la complexité des relations que nous entretenons avec les nouvelles technologies. Quoi qu’infiniment sombre et dystopique, la série nous place face à une réalité inquiétante. Nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’un monde tentaculaire constitué de capteurs, wearables devices et logiciels intelligents qui collectent et transmettent dynamiquement nos données, sans qu’on en contrôle l’intégralité du trajet. Avec près de 30 milliards d’objets connectés d’ici à 2020, la sécurisation de l’IoT devient une priorité pour les entreprises et les particuliers. Des solutions comme le chiffrement des données, l’exploitation de techniques d’analyse issues du Big Data, l’utilisation de protocoles propriétaires doivent être mises en place et approfondies. Il faut aujourd’hui se départir d’une vision « pragmatique » de l’Internet des Objets, centrée sur les bénéfices, pour s’intéresser aux menaces qu’il peut contenir.
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