La diversité et les banques : un combat
L’homogénéité des profils bancaires est de plus en plus critiquée, et les grandes banques françaises, en dehors des groupes mutualistes, ont pris des mesures pour y remédier. La création de directions dédiées à la diversité et à l’inclusion témoigne de leur volonté de rendre leurs équipes plus variées et représentatives. Parmi les évolutions notables, les efforts pour féminiser les postes de haut management ont déjà montré des résultats significatifs.
En 2020, Jean-Laurent Bonnafé, administrateur directeur général de BNP Paribas, affirmait que toute initiative qui permet à un collaborateur de se sentir mieux compris et considéré est bénéfique, car elle contribue naturellement à un engagement accru. Ce discours a été tenu lors de la mise en place d’un nouvel accord sur la diversité et l’inclusion entre BNP Paribas et les syndicats représentatifs. Cet accord s’inscrit dans une démarche amorcée en 2006, année où la banque a reconnu la discrimination comme l’un des 30 risques opérationnels majeurs. En 2011, la signature des "Women’s Empowerment Principles" par BNP Paribas a marqué un tournant, et en 2017, la banque s’est dotée d’une direction dédiée à l’engagement de l’entreprise. Depuis, des initiatives se multiplient, ciblant différents groupes comme les jeunes, les seniors, les personnes handicapées ou LGBTQIA+.
Société Générale n’a pas tardé à suivre cet élan. En 2019, elle a créé sa propre direction diversité et inclusion. Pour Nicolas Pirat-Delbrayelle, ancien cadre bancaire devenu expert en inclusion, cette dynamique témoigne de la prise de conscience des banques sur la nécessité d’agir. Cependant, il note que les acteurs mutualistes restent en retard sur ces questions. Il souligne que les banques, sous l’impulsion d’un cadre réglementaire incitatif, ont d’abord travaillé sur la parité femmes-hommes avant de s’attaquer à d’autres formes de diversité, notamment l’inclusion des personnes LGBTQIA+.
Le premier chantier de ces réformes a été la parité, encouragée par des lois de plus en plus strictes. Marie Chambon, responsable culture, diversité et inclusion chez Société Générale, rappelle qu’en 2019, le top management 250 de la banque ne comptait que 19 % de femmes, alors même que 54 % des employés du groupe étaient des femmes. Un objectif ambitieux a alors été fixé : atteindre 30 % de femmes dans ce top 250 d’ici 2023, un objectif aujourd'hui atteint. La banque continue d’avancer avec la volonté d'atteindre 35 % de femmes dans le top 2050 d'ici 2026. Cependant, un obstacle majeur demeure : le manque de profils féminins dans certaines filières comme la finance de marché, les data et la tech, où les femmes restent largement sous-représentées. Cette sous-représentation découle en partie de la prévalence de stéréotypes, comme le note Nicolas Pirat-Delbrayelle, qui déplore que les femmes soient encore souvent perçues comme plus empathiques, tandis que les hommes sont associés à des compétences techniques.
Pour pallier ce manque de talents féminins, Société Générale s’efforce de recruter à parité lors des stages de découverte. L’objectif est de susciter des vocations en exposant de jeunes talents à différents métiers de la banque, leur permettant ainsi de se projeter dans des carrières qu’ils n’auraient peut-être pas envisagées autrement. Malgré ces efforts, la faible représentation féminine dans les écoles d’ingénieurs persiste, et comme le souligne Pirat-Delbrayelle, la proportion de femmes dans ces écoles a même diminué ces dernières années, freinée par des biais qui perdurent.
En plus des questions de genre, d’autres chantiers sont en cours, notamment celui de la mixité sociale. Une étude réalisée par McKinsey en collaboration avec le Club du 21e siècle dresse un constat frappant : seuls 38 % des dirigeants français ont des parents issus de milieux non CSP+ (catégories socioprofessionnelles supérieures), tandis qu’à l'international, ce chiffre atteint 72 %. De plus, seulement 32 % des dirigeants français sont les premiers diplômés de leur famille, contre 42 % chez leurs homologues internationaux. Comme les femmes, les personnes issues de milieux modestes peinent à accéder aux postes de direction les plus élevés. Marie Chambon explique que pour changer la donne, les banques doivent inciter leurs managers à élargir leurs critères de recrutement et à s’ouvrir à des profils plus diversifiés.
Malgré ces efforts, les parcours atypiques peinent encore à se hisser dans les plus hautes fonctions des banques. Nicolas Pirat-Delbrayelle en est un exemple. N'étant pas issu d’un milieu CSP+, il raconte avoir dû naviguer à travers un parcours semé d'embûches pour atteindre un certain niveau hiérarchique dans le secteur bancaire. Il souligne que l’enjeu actuel réside dans la reconnaissance des compétences acquises par l’expérience, plutôt que de se focaliser uniquement sur le parcours académique des candidats. En effet, les compétences se développent au fil des expériences professionnelles et ne se limitent pas aux connaissances théoriques acquises dans les grandes écoles.
Pour mesurer les progrès réalisés en matière de diversité, les banques s’appuient sur des indicateurs précis. Bien que les statistiques sur l’origine ethnique ou religieuse soient interdites en France, des questionnaires anonymes permettent de croiser des informations et de mieux cerner le ressenti des collaborateurs. Par exemple, le baromètre de Société Générale interroge les employés sur leur appartenance à une diversité et évalue leur niveau de satisfaction globale. En recueillant ces données, l’entreprise peut identifier les départements nécessitant des actions spécifiques, notamment des sessions de sensibilisation. Des outils comme la "Fresque de la diversité" ont été mis en place pour éduquer et sensibiliser l’ensemble des collaborateurs. D’après Marie Chambon, les réticences des managers face aux questions de diversité diminuent progressivement, et ils comprennent désormais l’importance d’y consacrer du temps.
Finalement, la stratégie de diversité et inclusion (D&I) mise en place par les grands groupes bancaires français commence à porter ses fruits. Comme le souligne Nicolas Pirat-Delbrayelle, la figure traditionnelle du banquier en costume-cravate s’efface peu à peu au profit de profils plus représentatifs de la diversité de la société. Les échanges entre les filiales françaises et internationales renforcent également cette ouverture à la diversité. Cependant, malgré ces avancées, le chemin vers une véritable inclusion reste encore long, et les banques devront poursuivre leurs efforts pour atteindre une diversité pleinement intégrée à tous les niveaux de l’organisation.
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