





Le Japon tourne la page d'un siècle de déflation

C’est un séisme dont l'épicentre se situe à Tokyo, mais dont les répercussions font trembler toutes les places boursières de New York à Paris. Ce vendredi 19 décembre 2025, la Banque du Japon a acté la fin d’une anomalie monétaire qui durait depuis trois décennies. En relevant son taux directeur à 0,75 %, l’institution dirigée par Kazuo Ueda ne se contente pas d’ajuster une statistique : elle siffle la fin de la récréation pour le monde de la finance spéculative et signe le retour définitif du Japon dans le concert des nations aux taux dits normaux.
L'éveil de l'inflation après trente ans de sommeil
Depuis les années 1990 et l'éclatement de sa bulle immobilière, l'archipel nippon luttait contre une déflation chronique qui paralysait sa croissance. Pour contrer ce phénomène, la banque centrale avait instauré une politique de taux zéro, voire négatifs, transformant le Japon en un réservoir de liquidités inépuisable pour le reste de la planète. Cependant, l'année 2025 a marqué un point de rupture. L'inflation japonaise, longtemps moribonde, s'est installée durablement au-dessus de la cible des 2 %, portée par une dynamique inédite de hausse des salaires et par le coût croissant des importations. Face à cette nouvelle réalité, l'institution monétaire a dû se résoudre à protéger le pouvoir d'achat national, quitte à bousculer l'équilibre financier mondial.
La fin brutale du grand arbitrage mondial
Le point le plus crucial pour les investisseurs internationaux réside dans le démantèlement progressif de ce que l'on appelle le carry trade. Durant des années, le Japon a été le banquier à bas coût de la planète. Les grands fonds d'investissement empruntaient massivement des yens à des taux dérisoires pour les réinvestir dans des actifs plus rémunérateurs, comme les actions technologiques américaines ou les obligations européennes. Avec un taux désormais fixé à 0,75 %, cette stratégie perd soudainement de son attrait. Le renchérissement du crédit en yen oblige désormais de nombreux acteurs financiers à vendre leurs actifs à l'étranger pour couvrir leurs dettes au Japon, provoquant un rapatriement de capitaux massif qui déstabilise les marchés occidentaux.
Un nouvel équilibre pour la finance internationale
Cette décision redessine en profondeur la carte des flux financiers pour l'année 2026. Le yen, longtemps déprécié, retrouve une vigueur nouvelle qui renchérit certes les exportations nippones mais soulage l'économie du pays en abaissant le prix de l'énergie importée. Parallèlement, le retrait potentiel des investisseurs japonais du marché de la dette américaine et européenne pourrait exercer une pression à la hausse sur les taux d'intérêt mondiaux. Le Japon étant l'un des plus grands créanciers du monde, son choix de privilégier désormais son marché intérieur réduit mécaniquement la liquidité disponible ailleurs.
La hausse des taux décidée par Kazuo Ueda symbolise la fermeture de la toute dernière vanne d'argent gratuit à l'échelle globale. Si cette normalisation témoigne de la guérison de l'économie japonaise, elle impose au reste du monde un sevrage financier complexe. L'année 2026 s'ouvre ainsi sous le signe d'une grande transition. Le monde de la finance doit désormais apprendre à fonctionner sans la perfusion monétaire permanente de Tokyo, marquant le retour définitif du prix du risque dans les calculs des investisseurs.
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