





EXIT TAX : VERS UNE SUPPRESSION EN 2019 ?

Emmanuel Macron l’annonçait il y a quelque temps dans un entretien pour Forbes : il compte bien supprimer l’exit tax dès 2019. Le but ? Rassurer les entrepreneurs et les maintenir en France. En effet, le président de la République estime que cette imposition effraie les entrepreneurs, et les pousse à l’exil fiscal vers des contrées prétendument à l’herbe plus verte …
Qu’est-ce que l’exit tax ? Si vous n’en avez jamais entendu parler, ce sobriquet anglais fait en réalité référence à une taxation à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux “des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France”.
Mais à quoi correspond vraiment l’exit tax ? Qui concerne-t-elle ? Comment s’articule-t-elle ? Réponse avec Amine Mostefaï, chargé des Affaires Juridiques chez BFG Capital.
Historique de l’exit-tax : ou comment (tenter de) lutter contre l’évasion fiscale
La France n’a pas attendu ces dernières années pour tenter de contrer les tentatives d’évasion fiscale. En 1999 déjà, une première loi de Finances avait été votée dans cette optique : c’est l’ancêtre de l’exit-tax. Cependant, la CJCE retoquait cette loi en 2004, en vertu d’une non-conformité de cette législation au principe d’établissement dans l’Union européenne. Ni une, ni deux : abrogation en droit français actée par la loi de finances rectificative pour 2005.
Première tentative râpée, mais en 2011, le Parlement re-vote une loi en ce sens, dans un contexte de réforme de la fiscalité du patrimoine et de bouclier fiscal. Cependant, face au “bide” du bouclier fiscal auprès des Français, ce dernier est abrogé. Le Président de la République de l’époque, M. Sarkozy, réforme ensuite l’ISF et exonère, par la même, 300 000 contribuables d’ISF. Le risque d’évasion est alors augmenté : c’est là que l’exit-tax entre en jeu. D’autres modifications sont apportées en 2013 et 2016 (via les lois de finances rectificatives desdites années).
Mais pourquoi vouloir la supprimer ?
Selon la politique du Gouvernement en place, l’exit tax fait partie de ces impositions “inutiles” qui font peur aux entrepreneurs en plus de se révéler chères à mettre en place par rapport à la collecte récoltée. Ainsi, Bruno Le Maire expliquait le 3 mai dernier que la taxe “ne rapportait rien”, avec un rendement estimé à … moins de 15 millions d’euros par an. Même la surtaxe sur les eaux minérales, taxe qui s’apprête à disparaître prochainement, rapporte plus : 20 millions d’euros !
De plus, les chiffres de l’exit tax effraient car celle-ci aurait dû rapporter 800 millions d’euros en 2016, au regard de la Cour des Comptes. Nous sommes bien loin des chiffres annoncées ! La faute à quoi ? Un recouvrement complexe, mais également un suivi nécessaire, sur des périodes pouvant atteindre les 15 années.
L’exit tax : qu’est-ce que c’est, et qui est concerné ?
Juridiquement, l’exit-tax est défini par l’article 167 bis du CGI comme la taxation à l’IR et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes[1], des créances qui trouvent leur origine dans une clause de complément de prix, et des plus-values en report d’imposition. L’imposition intervient si les conditions suivantes sont remplies :
- Domiciliation fiscale des contribuables en France pendant au moins six des dix années précédant le transfert de leur domicile à l’étranger.
- Les droits sociaux, valeurs, titres ou droits représentent 50% des bénéfices sociaux d’une société, ou leur valeur globale dépasse les 800 000€.
Il s’agit d’un dispositif bien connu en France, mais aussi très courant dans les législations étatiques. En effet, le but de toute administration fiscale souveraine en son pays est de lutter contre l’évasion fiscale. Le Danemark, la Norvège, ou encore les Pays-Bas ont donc un dispositif similaire au nôtre. D’autres pays comme les Etats-Unis ou l’Allemagne ont eux aussi des dispositifs similaires, mais plus strictes.
L’assiette de l’impôt est déterminée par rapport à la valeur réelle des titres concernés (ou, en cas de titres cotés, sur le fondement du dernier cours connu). Pour les créances issues d’une clause de complément de prix, on évaluera leur valeur réelle lors de la date du transfert du domicile fiscal hors de France.
Par la suite, plus-values et créances sont soumises au barème progressif de l’IR. Le montant de l’exit tax correspondra donc à la différence entre le montant de l’IR issu de l’application du barème progressif, à l’ensemble des revenus de source française et étrangère (ce qui comprend les plus-values et créances imposables à l’exit tax) ET le montant de l’impôt issu de l’application dudit barème aux seuls revenus de sources française et étrangère.
En clair, EXIT TAX = IR (revenus + PV + créances) – IR (revenus).
Enfin, n’oubliez pas que les plus-values et créances restent imposables aux prélèvements sociaux en vigueur au moment du changement de domicile fiscal.
Cette taxation intervient dans l’hypothèse d’un transfert par le contribuable de son domicile fiscal vers un autre Etat. Il faut également porter attention au “point de chute fiscal” du contribuable : car il demeure probable que le contribuable bénéficie d’un sursis de paiement, voire même d’un dégrèvement de l’impôt dans certaines situations.
En effet, vous bénéficiez d’un sursis de paiement automatique en cas d’installation dans un Etat membre de l’Espace Economique Européen[2]. Hors de l’EEE, le sursis de paiement peut être accordé sur demande expresse du contribuable, sous certaines conditions.
En ce qui concerne le dégrèvement, l’impôt subit un dégrèvement d’office, voire d’une restitution, s’il a été immédiatement acquitté lors du transfert de domicile fiscal :
- et qu’au final, le contribuable réinstalle son domicile fiscal en France;
- que les titres ou la créance concernés font l’objet d’une donation (à charge pour le contribuable de prouver que l’opération n’a pas pour objectif d’éviter l’impôt);
- pour les plus-values latentes, dans un délai de 15 ans à compter la date du transfert du domicile fiscal.
Au niveau déclaratif, il faudra indiquer sur la déclaration de revenus et le formulaire 2074-ET souscrits l’année suivant le transfert de domicile fiscal, le montant des plus-values latentes, en report et créances imposables, et mentionner le montant de l’impôt en sursis.
Tant que dure le sursis, le contribuable devra en outre remplir le formulaire 2074-ETS au Service des Impôts des Particuliers non-résidents pour bien suivre ses impositions. Ce dernier formulaire doit également comporter la nature et la date de l’événement qui motive un éventuel dégrèvement, ou une restitution.
À charge également pour le contribuable de bien notifier à son SIP tout nouveau transfert de domicile fiscal !
Que retient-on de tout cela ?
Qu’on se le dise, l’exit tax vous concerne si vous avez d’importantes plus-values issues de titres ou de créances, et que vous désirez changer de domicile fiscal. Vu les conditions et les sommes concernées, il s’agit d’un impôt qui ne concerne qu’une minorité de Français.
Cependant, il conviendra de constater que le Gouvernement tente de limiter les postes de perte d’argent, et cela passe par la suppression de l’exit tax. Au final, les contribuables concernés par cette dernière ne seraient-ils pas les mieux lotis dans l’affaire ? Attendons de voir ce que compte faire l’Etat à ce sujet …
[1]Plus-values constatées sur les droits sociaux, valeurs, titres ou droits mentionnées à l’article 150-0 A, I-1 du CGI
[2]Exception faite de Liechtenstein; comprend l’UE, la Norvège, et l’Islande
- Vues3558