Interview : Simon Blaquière, Directeur données et approche client
Vous êtes à la tête de la Direction données et approche client. Quelle est sa mission ?
Simon Blaquière : la donnée est au cœur du métier de l’assureur, qui s’appuie sur les outils statistiques depuis sa création. Ma Direction a pour mission de structurer la donnée au sens large afin d‘améliorer notre connaissance des clients. Aujourd’hui, nous faisons face à une profusion de données, et pour y faire face, nous nous orientons vers de nouvelles approches techniques telles que le machine learning, le deep learning et l’intelligence artificielle au sens large. Nous sommes aidés par une puissance de calcul informatique qui démultiplie les possibilités des outils statistiques et mathématiques.
Comment faites-vous l’acquisition de ces données ?
Elles sont collectées entre autres par les agents tout au long du parcours de vie du client : quand il souscrit un contrat, quand il échange avec son agent, en cas de sinistre, etc. Nous devons faire face à deux écueils : la quantité des informations, et leur bonne qualité, que nous devons vérifier en temps réel au moment de la collecte. Il est donc critique d’avoir des systèmes d’informations fiables, et nous avons conçu une base de données centrale, Datasmart, qui utilise des techniques nouvelles de calculs distribués, comme Hadoop. Les données internes sont complétées par des données externes pour développer des modèles comportementaux de nos clients et anticiper leurs besoins assurantiels futurs.
D’où viennent les données externes ?
Nous utilisons plusieurs sources. Certaines sont mises à disposition en open source : bases de données topographiques, informations socio-démographiques, cadastre… D’autres enregistrent l’empreinte digitale des individus, c’est-à-dire les traces qu’ils laissent sur Internet. Ces sources sont très utiles pour identifier et mieux appréhender les risques. Quant aux données sur les entreprises, elles reposent sur l’obligation de transparence financière, et aussi sur les multiples notations qu’on trouve sur Google, Facebook, TripAdvisor, Booking… Nous agglomérons cette avalanche de données dans un réceptacle unique, à partir duquel nous élaborons des modèles de tarification d’assurance plus pertinents.
Comment traiter de tels volumes de données ?
Ces volumes nous obligent à revoir les techniques d’analyse statistique classiques pour aller vers des systèmes plus complexes. Pour cela nous faisons appel à des data scientists : ils ont des réflexes d’assureurs, mais en plus, ils savent coder, un atout essentiel pour exploiter des bases de données de très grande taille. Par ailleurs, de nouveaux acteurs sont en train de disrupter le marché de l’assurance, avec des méthodes de collecte moins intrusives. Voyez les GAFA : ils connaissent énormément de choses sur vous sans vous poser de question ! Les assureurs sont donc confrontés à un nouveau challenge : comment maximiser l’usage des données disponibles en minimisant l’intrusion dans la vie du client.
Comment ces outils vont-ils permettre de mieux appréhender les incertitudes, notamment environnementales, qui caractérisent notre époque ?
L’incertitude a toujours existé, et c’est précisément le métier de l’assureur de la quantifier et de la mutualiser ! Les menaces environnementales créent une incertitude supplémentaire, c’est vrai, mais les volumes de données que nous collectons constituent un ensemble de signaux faibles, et nous les exploitons de manière intensive pour segmenter les risques plus finement. Cela permet de prévoir les zones qui seront les plus touchées par le changement climatique, par exemple.
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