Denis Akriche – Président et Fondateur d’Armatis
Vous êtes diplômé de l’ESSEC, peut-on dire que votre univers familial ait joué un rôle clef dans votre orientation universitaire, voire professionnelle ?
Je suis issu d’une famille de commerçants, donc j’ai toujours eu cette sensibilité commerciale depuis mon plus jeune âge. De ce fait, je me suis orienté vers une business school et j’ai eu le privilège d’intégrer l’ESSEC après une classe préparatoire effectuée au Lycée Henri IV à Paris.
En 1976, vous rejoignez le groupe Peugeot à la direction commerciale. Une expérience riche, et aussi des rencontres, dont l’une d’entre elles qui vous entraîne vers une autre voie ?
Jeune, j’étais passionné par le secteur automobile et j’ai réalisé tous mes stages chez Citroën puis Renault avant d’obtenir mon premier contrat de travail chez Peugeot en 1976.
Dès l’âge de 23 ans, je commençais donc à travailler au sein du Groupe Peugeot où j’y suis resté onze années.
Ma carrière a débuté en directions régionales où j’ai occupé successivement des fonctions de formateur des forces de vente avant de devenir chef de secteur (j’animais un réseau de concessionnaires et d’agents sur deux départements).
Après un bref passage à la direction régionale de Paris, j’ai occupé au siège social du Groupe la fonction de chef du service de contrôle de gestion des filiales commerciales. Poste passionnant qui m’a permis après mon expérience plutôt commerciale de renforcer ma sensibilité financière.
Je n’avais pas encore 30 ans, lorsque l’on m’a confié la direction générale de la filiale de Boulogne-Billancourt qui employait plus de 200 personnes. Le contexte n’était pas simple car les usines Renault se trouvaient dans cette ville, inondée par les reventes des voitures du personnel de l’usine. Cela vous impose de maîtriser très vite les meilleures techniques de vente tout en sachant parfaitement compter.
Je suis ainsi passé en une dizaine d’années de la fonction d’un jeune cadre sorti d’école à celle de dirigeant d’une des plus grosses filiales de la région. Mes expériences chez Peugeot ont été extrêmement variées et très riches d’enseignement. Cette expérience dans le groupe Peugeot aura été extraordinairement structurante pour la suite de ma carrière.
Ce sont sans doute par la suite, mes racines familiales qui m’ont conduit à me diriger vers une PME.
Le hasard de la vie a voulu que je recroise un camarade de l’ESSEC… Il avait créé une société dans le tout nouveau secteur du télémarketing, et sans passer par l’expérience du grand groupe. J’ai alors décidé de quitter Peugeot et l’ai rejoint en tant que vice-président pour l’aider à structurer et à développer son entreprise, en y amenant notamment des méthodes de travail et de gestion, qui lui ont permis d’asseoir sa croissance de manière durable. Je me suis aussi activement occupé de la vente de cette société au groupe américain Convergys à l’époque leader mondial du télémarketing.
Puis, vous créez votre société Stefi Conseil, une agence de conseil en marketing relationnel ?
Après avoir collaboré au sein d’un grand groupe et d’une PME : j’avais envie d’une expérience personnelle ! En 1989, j’avais 36 ans, et aussi cette envie de quitter le statut salarié, pour démarrer seul une activité. J’étais marié avec 2 jeunes enfants et c’était un sacré pari de lâcher le confort d’un statut salarié pour risquer la création d’entreprise. Et j’ai eu de la chance, cela a marché !
Je pense que ce succès a été dû à deux règles essentielles quand on veut créer une entreprise :
- Il convient de rester très proche de ses compétences, de son domaine d’expertise,
- Il faut beaucoup travailler. Les deux ou trois premières années sont toujours très dures et c’est par le travail que l’on arrive à surmonter les difficultés, les unes après les autres.
Pouvez-vous revenir sur les différentes étapes du développement d’Armatis spécialiste de la Relation Client externalisée ?
En 1989, j’offrais via ma structure, uniquement du conseil en marketing opérationnel.
C’est une première étape qui aura été relativement courte car la réalité économique m’a rattrapé assez vite : c’est extrêmement difficile d’alterner les phases commerciales sans production puis les phases production sans activité commerciale. La régularité du revenu n’est pas assurée et sans avoir le support d’une enseigne connue, sans avoir encore une image sur le marché et une fois le tour de votre cercle relationnel effectué, la tâche devient ardue. Je me suis dit alors qu’il fallait que je vende des prestations en plus du conseil, pour être en mesure d’avoir une génération de revenus régulier permettant d’installer une stratégie de développement.
J’ai donc élargi mon activité à différentes prestations (communication écrite, formation, études de marché, relances téléphoniques, etc), relevant du marketing opérationnel.
J’ai ainsi créé plusieurs départements. Le premier a été celui de la communication écrite (mailing, PLV, etc.). A l’époque mes clients s’appelaient : Xerox, Air France, Ford, Peugeot… Puis, j’ai fondé le département Etudes. C’est essentiel de bien connaître et de comprendre son marché avant de définir les cibles sur lesquelles on va travailler. Il est tout aussi important en aval de pouvoir mesurer la perception de ces cibles sur les opérations menées.
Quant au département formation, il était induit : il y a toujours de la formation à faire sur les activités de vente qui prennent le relai du marketing. Enfin, passé ma période de non- concurrence, j’ai installé au sein de la société une activité de télémarketing.
Ce nouveau dispositif m’a permis d’initier un développement plus structuré de l’entreprise. Croissance et rentabilité étaient bien présentes.
En 1997, j’ai décidé de recentrer la société sur le télémarketing et j’ai arrêté les autres départements bien que tous rentables pour repositionner l’entreprise comme un outsourcer de relation client.
Jusqu’en 2000, j’ai conservé 100 % du capital, année où j’ai été approché par un fonds d’investissement qui m’a dit : « Votre secteur d’activité nous intéresse, nous souhaitons acquérir votre entreprise et s’attacher votre collaboration. A partir de votre entreprise, nous voulons faire plusieurs acquisitions que vous intègrerez afin de faire éclore un nouvel acteur stratégique sur le marché ».
J’étais septique et intrigué par une démarche que je ne connaissais pas. J’étais seul actionnaire d’Armatis sans aucun souci de croissance ou de rentabilité. Je me suis finalement laissé tenter par l’idée de changer de dimension. J’ai cédé 75% du capital d’Armatis à des gens qui m’apportaient des capitaux suffisants pour faire des opérations de croissance externe. Et cela m’a permis dès 2002, de réaliser mes premières acquisitions. Le hasard de la vie a voulu que la toute première acquisition soit Convergys France (filiale européenne du leader mondial des centres d’appels) que j’avais vendu 13 ans plus tôt à ce même Convergys !
Est venue ensuite la période de décentralisation de nos centres d’appels de Paris vers la province : Calais, Boulogne-sur-Mer, Caen, Châteauroux, Nevers, Auxerre.
Deux nouveaux LBO ont eu lieu en 2007 puis en 2012. Le dernier nous a permis de faire une acquisition très structurante celle de Laser Contact, et de commencer l’internationalisation d’Armatis avec la création ou le développement de filiales en Pologne, en Tunisie et au Portugal. En 2016, nous avons ajouté quatre nouvelles acquisitions : deux en France dont une structure d’étude, une en Pologne et une au Portugal ;
Armatis aujourd’hui, c’est : 220 millions de chiffre d’affaires, 10 000 collaborateurs et 22 centres d’appels (11 en France et 11 à l’étranger) !
Le marketing relationnel et la relation client apparaissent en France dans les années 80. Amatis se développe alors avec cette inspiration de la proximité avec le client et le sens du service pour le satisfaire… Des valeurs essentielles pour vous qui sont les piliers de fondements propres à votre groupe ?
Les valeurs d’Armatis sont le respect de façon multidirectionnelle. Cela signifie, le respect de ses clients, des clients de ses clients et de ses collaborateurs.
Dans la vie à mon sens, si l’on garde toujours présent à l’esprit cette valeur, il est possible d’en atteindre une autre fondamentale… la fidélité, un point fort de notre groupe ! L’ancienneté moyenne de la collaboration avec nos dix plus grands clients est de 14 ans, celle au sein du Comité de direction est de 17 ans. La fidélité permet de construire des équipes qui fonctionnent très bien entre elles. Elles développent des automatismes, et elles sont en mesure de répondre précisément aux attentes des clients. De la production certes, mais aussi du conseil, avec des réponses personnalisées face à des besoins spécifiques.
Armatis s’est construite autour de ces valeurs de croissance, de respect des valeurs humaines et de diversité, de profitabilité. C’est l’ADN de notre Groupe !
Armatis avec plus de 11 sites en France est un leader de la Relation Client. Quels sont les forces, les secrets, les qualités du « Your Customer First » d’Armatis ?
La direction du marketing a réalisé une étude sur les mots les plus cités dans notre secteur. Et dans la communication faite de façon générale, cette notion de client final était très peu développée.
Armatis travaille pour des structures de différentes tailles, dont des très grands groupes, mais surtout pour leurs clients finaux. Pour cela, nous avons décidé de nous adresser à nos clients en leur disant : « Le plus important pour vous, c’est votre client », d’où cette nouvelle signature en 2021 «Your Customer First ». Si l’on prend soin du client de notre client, il sera satisfait et nous manifestera sa fidélité. Le modèle est vertueux. Et l’on rappelle à nos clients, que le plus précieux pour nous, ce sont leurs clients ! Nos clients nous confient leurs fonds de commerce en quelque sorte ; nous sommes porteurs à la fois de leur image et de leurs valeurs. Si nous fournissons un travail de qualité, leur image auprès de leurs clients va s’en trouver améliorée. Et cela est mesurable aujourd’hui grâce au NPS (Net Promoter Score).
Le consommateur final est au cœur de notre stratégie ! Face aux situations, et quelquefois face aux problèmes complexes, on se doit d’apporter de la créativité, des idées, des solutions.
De nos jours, votre groupe propose à ses clients différentes offres pour les aider à optimiser la gestion de cette Relation Client cruciale pour une entreprise ?
L’explosion de ce marché date de l’ouverture à la concurrence de grands secteurs d’activité. Le premier a été les télécoms, puis en second l’énergie. Les télécoms ont représenté jusqu’à 60 % de notre chiffre d’affaires avant que nous ne décidions de ne pas les accompagner dans leur politique d’offshorisations massives. Par la suite, nous avons développé le secteur de l’énergie. Armatis a des très grands clients comme à titre d’exemples EDF, Engie ou Total…
Le secteur de la banque et de l’assurance nous a toujours passionnés. Nous avons pu lui apporter nos savoir-faire en matière de télévente. Au début, ce secteur conservait en centre interne tous les services clients, et externalisait presque exclusivement la conquête commerciale. Et nous avons excellé dans ces domaines-là. Au fil du temps, ce secteur a connu des évolutions règlementaires rigoureuses et l’on a été en mesure de bien répondre aux attentes de nos clients dans cet environnement mouvant. Nous avons d’ailleurs créé une structure spécialisée dirigée par Salomon PARIENTI ((1) LinkedIn) Armatis Financial Services dédiée exclusivement à ce secteur ! Nous sommes en capacité d’accompagner les insurtechs et les fintechs. Nous adorons brainstormer avec elles pour trouver les offres de service qui correspondent en tous points à leurs attentes.
Le client final est toujours au centre de notre stratégie !
La recherche de solutions sur mesure fait partie de notre ADN. Nous nous efforçons d’être créatifs, d’apporter des idées nouvelles et d’imaginer les solutions de demain.
L’innovation est très présente chez Armatis, le monde est en constante mutation… Les gens exigent de plus en plus d’immédiateté dans les réponses apportées à leurs demandes. De ce fait, la qualité reste le défi permanent ! Le digital occupe une place de choix dans nos stratégies.
Nous avons besoin de choisir des outils qui facilitent le travail de nos équipes comme l’intelligence artificielle, la robotique. Cet ensemble d’éléments nous permet d’apporter du conseil, des solutions, des analyses. Notre cabinet d’études offre un travail unique pour nos clients : grâce à des études de marché, Armatis leur propose des stratégies personnalisées pour améliorer leurs parts de marché, leur fidélisation, leur rentabilité….
Vous êtes épaulé par des directeurs généraux pour gérer aujourd’hui un groupe de près de 10 000 employés. Souhaitez-vous poursuivre le développement international de votre groupe ?
Il n’y a pas d’autres voix que le développement à l’international. Des sociétés comme celles de l’e-commerce sont internationales très vite. Armatis accompagne à la fois les clients qui externalisent pour la première fois, des groupes français qui ont des filiales à l’étranger et des sociétés européennes souhaitant des prestations en mode multilingue.
Nous allons bien entendu poursuivre ce développement à l’international.
Quelles seraient vos meilleures ambitions sur les 5 années à venir ?
Nous sommes sur un marché qui se concentre énormément. Aujourd’hui cinq groupes font plus d’un milliard de chiffre d’affaires, ils sont tous devant nous. En 2012, Armatis se positionnait au 2e rang en France, aujourd’hui au 6ème. Le marché est très mature et nous restons à l’écoute de toute opportunité de nous développer soit par des acquisitions soit par des rapprochements.
Pour en savoir plus sur Armatis : https://www.armatis.com/
Contacts :
- Delphine Vasseur, Directrice de Marché Banque Assurance
- Salomon Parienti, Directeur Général Armatis Financial Services
Source : Propos recueillis par Marie Cornet-Ashby pour Finance Innovat