RÉGIMES MATRIMONIAUX : QUELLE EST LA RECETTE DU BONHEUR ?
“Oui, je le veux”.
Ces quelques mots, nous les connaissons tous. Pour tous, ou en tout cas pour la plupart d’entre nous, ces mots sont associés à l’union de deux amants, au mariage, au bonheur…
Cependant, au risque de paraître fleur bleue, il ne faut pas négliger que le mariage ne consiste pas qu’en de l’amour uniquement, car il intéresse d’autres sphères, et notamment les domaines fiscaux et patrimoniaux. Cela soulève l’enjeu du choix du régime matrimonial idéal pour les époux, et celui-ci ne se fait pas à la légère : plus que de simples règles de vie, il se fait garant de l’épanouissement économique et personnel du couple marié.
Quels sont les régimes matrimoniaux visés ? Quelles sont les spécificités de chacun de ces régimes ? Amine Mostefaï, chargé des affaires juridiques chez BFG Capital, vous répond.
I – Les régimes matrimoniaux : bref rappel !
Les régimes matrimoniaux organisent la vie commune des époux, et instaurent des règles applicables en cas de dissolution du mariage. Les époux peuvent, avant de célébrer leur mariage, opter pour le régime matrimonial de leur choix au travers d’un contrat de mariage rédigé par acte notarié.
Les époux choisissent ensuite l’un des régimes prévus par le Code civil : la communauté conventionnelle, la séparation de biens, ou la participation aux acquêts. À défaut de choix, le régime légal s’appliquera.
Quel que soit le régime matrimonial choisi par les époux, il existe en effet un régime primaire impératif (mentionné aux articles 214 à 226 du Code civil) qui comporte les obligations alimentaires, devoirs, droits respectifs, ainsi que les règles d’ordre public que les époux ne peuvent esquiver.
Pendant longtemps, le choix du régime matrimonial était définitif. Il est néanmoins désormais possible, sous conditions, de changer de régime matrimonial.
II – Quelles sont les principales dispositions communes qui intéressent le patrimoine ?
Il convient de faire une distinction selon les dispositions qui s’appliquent quel que soit le régime matrimonial choisi, et celles qui diffèrent selon le régime matrimonial.
En effet, ils existent des règles intangibles : ce sont celles du statut impératif de base. Le but : assurer l’indépendance des époux et un minimum de solidarité matérielle. Parmi les dispositions fondamentales en terme de patrimoine, aux termes de l’article 221 du code civil, il convient de savoir que chaque époux peut se faire ouvrir, et ce sans le consentement de son conjoint, tout compte de dépôt et de titres. Ce qui permet de garantir l’autonomie des conjoints et de limiter la responsabilité des banques et des prestataires d’investissement dans la gestion des comptes.
Toujours dans la même catégorie, chaque époux est censé pouvoir faire, seul, tout acte d’administration, de jouissance, et de dispositionsur les biens meubles qu’il détient individuellement. À ce titre, il pourra par exemple effectuer une donation dudit meuble, ou le vendre si tel est son souhait.
Autre disposition incontournable : celle qui concerne la solidarité des époux, notamment aux charges du mariage (dépenses liées à l’acquisition d’un bien immobilier, celles du logement familial), aux dettesménagères (entretien du ménage, éducation des enfants) et aux dettes fiscales (les époux étant solidairement tenus au paiement de l’impôt sur le revenu et à celui de l’impôt sur la fortune immobilière).
III – Y a-t-il des particularités à connaître pour chaque régime matrimonial ?
Oui. Chaque régime dispose de ses spécificités, afin de convenir le mieux possible aux époux, et que le choix corresponde du mieux que se peut aux désirs de ceux-ci.
Par exemple, le régime de la communauté d’acquêts permet une participation réciproque des époux à l’accroissement du patrimoine qui résulte de l’autre.Il correspondra donc mieux à des époux sans patrimoine personnel important, à ceux qui ne considèrent pas le fait d’exercer une activité indépendante qui présente des risques financiers, ou également à ceux qui estiment que le mariage ne doit pas consister en un lieu de reddition de comptes. Mais ce régime souffre également d’inconvénients : la communauté répond des dettes de chacun des époux, ce qui peut être risqué dans le cas où l’un des époux voit son activité commerciale décroitre : en effet, cela peut placer les époux dans une situation précaire. Idem, la communauté d’acquêts dispose de règles de gestion si égalitaires concernant les biens communs, que cela peut mener au blocage en cas de conflit entre les époux. Pis, en cas de dissolution du mariage, la liquidation du régime peut s’avérer délicate.
La communauté se compose d’un actif, dont les biens communs sont, par exemple : les biens acquis à titre onéreux ou créés par l’un ou l’autre des époux durant le mariage; les gains et salaires; les fruits et revenus des biens communs; les économies faites sur les fruits et revenus des biens propres, etc. Il est impératif de savoir que le législateur met en avant la présomption de communauté, en réputant tout bien meuble ou immeuble acquêt de communauté (donc commun) si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux. Mieux vaut donc se munir des preuves nécessaires, si un contrat de mariage n’a pas été conclu !
Ce régime est donc déconseillé à l’époux propriétaire d’un patrimoine propre générateur de forts revenus: car chaque investissement, même financé par les revenus de celui-ci, produira une récompense qui profitera à la communauté.
Ensuite, en ce qui concerne la séparation de biens, il convient de savoir qu’historiquement, ce régime rencontre un succès certain auprès des commerçants et professions libérales, car il est de nature à réduire les risques liés à l’activité professionnelle. Il est également un témoin de notre époque, qui est marqué par des mariages moins pérennes. Souvent adoptée par des époux ayant déjà divorcé, ou qui ont déjà des enfants issus d’une précédente union, la séparation de biens se révèle être un régime simple doté d’une indépendance patrimoniale totale pour les époux : chaque époux voit son patrimoine assuré par rapport aux dettes du conjoint. Mais où est le piège ? Le seul inconvénient notable ici réside dans le fait que ce régime se montre extrêmement défavorable au conjoint qui n’a pas d’activité ou qui n’a pas de ressources personnelle.
Cependant, la réalité montre qu’au final, ce régime tend à se rapprocher de celui de la communauté d’acquêts, et qu’il est rare qu’il n’y ait aucun compte à établir entre les époux : l’un des époux acquiert forcément des biens en indivision, ou alors, il finance les dettes de l’autre. L’amour devient alors ennemi du droit !
Enfin, le régime de participation aux acquêts est quelque peu hybride, car durant la vie conjugale, il s’apparente au régime de séparation des biens : en effet, il y a seulement deux masses de bien dans ce régime : les biens personnels de chaque époux. Chacun est réputé propriétaire des biens à son nom, sous réserve, toujours de disposer des éléments de preuves nécessaires. Or, en cas de dissolution, il se liquide comme une communauté d’acquêts, avec un calcul de créance de participation. On le recommandera donc aux couples, dont l’un des époux au minimum exerce une profession libérale, indépendante, ou à risques professionnelles. La dissolution du régime permettra en outre de faire bénéficier à l’époux qui ne travaille ou qui a arrêté de travailler d’une part de l’accroissement du patrimoine réalisé par l’activité de son conjoint.
IV – Que retenir ?
Si le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point, en matière matrimoniale, cette citation de Blaise Pascal ne s’applique pas, au risque de faire imploser le couple !
La recette du bonheur consiste donc en un choix de régime matrimonial mûrement réfléchi en amont, afin de ne pas se voir subir une convention matrimoniale non désirée.
En outre, aménager ce dernier grâce à un contrat de mariage, établi par acte authentique devant notaire, reste tout à fait possible afin d’adapter le régime matrimonial aux objectifs recherchés par les époux.
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