Les gérants d'actifs : premières victimes d’une rentrée sous tension
Les risques politiques et géopolitiques n'ont pas disparu durant l'été, et les marchés font face à de nouveaux défis, entre forte volatilité et ajustements des politiques monétaires.
Après une période de panique début août, les marchés boursiers mondiaux ont globalement retrouvé leur calme. Le S&P 500 et l'EuroStoxx 50 sont revenus à leurs niveaux de fin juillet. Bien que la question du carry trade, une stratégie spéculative sur les différentiels de taux d'intérêt à l'origine des turbulences estivales, semble s'être estompée, d'autres préoccupations demeurent. Quels sont les points d'attention des gestionnaires de fonds en cette rentrée 2024 ?
1. Retour de la volatilité
La volatilité a fait un retour remarqué cet été. « Il y a eu un effet saisonnier lié à la faible liquidité et aux faibles volumes d'échanges. La situation aurait probablement été différente en septembre », relativise Charles-Henri Kerkhove, directeur des investissements multi-actifs chez Fidelity. La concentration des positions sur certains actifs, notamment les grandes entreprises américaines, a également contribué à cette volatilité. Peut-on s'attendre à ce que de tels mouvements se reproduisent dans les semaines à venir ? « L'environnement devrait rester volatil, mais de manière moins intense », prévoit Geoffrey Yu, stratégiste senior EMEA chez BNY, tout en se préparant « à tous les scénarios ».
2. Baisse des taux d'intérêt américains
Le moment tant attendu par les marchés est enfin arrivé : la première baisse de taux aux États-Unis est prévue pour septembre. Jerome Powell, président de la Réserve fédérale, l'a confirmé fin août. Bien que cette décision ait été anticipée par de nombreux gestionnaires d'actifs, elle entraîne plusieurs réajustements significatifs dans les portefeuilles d'investissement, aussi bien pour les actions que pour les obligations.
Cependant, l'ampleur et le rythme de ce relâchement monétaire demeurent incertains. La croissance aux États-Unis ralentit, mais ne mène pas encore à une récession. « L'analyse de divers indicateurs montre qu'il n'y a pas de risque imminent pour la croissance ou l'emploi », affirme François Rimeu, stratégiste senior chez Crédit Mutuel AM. Avec d'autres experts, il plaide pour un atterrissage en douceur de l'économie américaine, estimant que les prévisions du marché sur les futures baisses de taux sont exagérées. Alors que le consensus s'attend à une réduction de 100 points de base d'ici la fin de l'année, les gestionnaires d'actifs interrogés penchent plutôt pour une baisse de 50 points de base. « Étant donné que l'économie n'est pas en difficulté, la Réserve fédérale n'a pas besoin de se précipiter », soutient Rimeu.
3. Risques politiques
Des deux côtés de l'Atlantique, les dynamiques politiques influencent les marchés. Aux États-Unis, le parti démocrate, avec Kamala Harris en tête, gagne en popularité. L'écart se réduit dans certains « swing states », ces États qui peuvent faire basculer les résultats des élections. « Kamala Harris représente la continuité pour les marchés, alors que Donald Trump introduit plus d'incertitudes », note Andrew Etherington, responsable multi-actifs chez AXA IM. Les promesses de réduction d'impôts de Trump pourraient aggraver le déficit et exercer une pression à la hausse sur les taux d'intérêt, bien que les marchés actions aient initialement bien accueilli son avance dans les sondages.
En Europe, une prime de risque persiste sur les actifs français en raison de l'incertitude politique. La composition de l'Assemblée nationale complique la mise en place d'une politique budgétaire cohérente. « Cela renforce notre prudence vis-à-vis de la croissance en Europe et des obligations souveraines », explique Charles-Henri Kerkhove de Fidelity. Au Royaume-Uni, en revanche, des indicateurs économiques meilleurs que prévu et un environnement politique stable ravivent l'intérêt des gestionnaires pour les actions britanniques du FTSE 250, selon Vincent Mortier, directeur des investissements chez Amundi.
4. Contexte géopolitique
Les tensions géopolitiques continuent de peser sur les marchés. Les conflits en Europe de l'Est et au Moyen-Orient suscitent des inquiétudes quant à l'évolution des prix des matières premières énergétiques, malgré les espoirs de négociations. Les tensions sino-américaines restent également une préoccupation majeure pour les investisseurs, en particulier dans le contexte des élections américaines.
Ces tensions augmentent la pression sur les actifs chinois déjà en difficulté. Aucune mesure significative pour résoudre les causes de la crise immobilière n'a été prise lors du troisième plénum du Parti communiste en juillet. « Tant que les problèmes structurels ne seront pas résolus, il est difficile de prendre des risques sur le marché chinois », estime Andrew Etherington.
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