Finance internationale l'impact de la désignation "G-SIB" sur les frais d'audit et les états financiers des banques
La crise financière mondiale de 2007-2008 a mis en évidence les risques systémiques posés par les grandes banques, incitant une série de réformes réglementaires visant à renforcer la stabilité du système financier. Pour réduire les problèmes inhérents aux banques considérées comme « trop grandes pour faire faillite », le Conseil de Stabilité Financière (CSF) publie depuis 2011 une liste annuelle des banques d’importance systémique mondiale (G-SIB). Ces banques font l’objet d’une supervision plus stricte depuis cette date et de surcharges de capital réglementaires depuis 2016. La dernière liste, publiée en novembre 2023, comprend 29 banques du monde entier.
Une nouvelle étude* examine l’impact de la désignation G-SIB sur les frais d’audit et la qualité de l’information financière (FRQ) parmi les banques européennes. En effet, une supervision plus étroite et/ou des surcharges de capital réglementaires anticipées pour les G-SIBs peuvent modifier les risques et les efforts d’engagement des auditeurs, par exemple, à travers de risques de litige accrus.
Stabilité du système financier international
À la suite de la crise financière, le Conseil de Stabilité Financière et le Comité de Bâle sur le Contrôle Bancaire (CBCB) ont introduit une série de mesures visant à freiner la prise de risques excessive et à renforcer la stabilité globale du système financier international. Les auditeurs peuvent jouer un rôle crucial dans la réalisation de ces objectifs en évaluant mieux la santé financière et les profils de risque des banques. En effet, une plus grande transparence des états financiers peut renforcer l’effet que peut avoir la discipline de marché sur les décisions de prise de risque des banques.
L’étude menée par des chercheurs de l’IÉSEG, de HEC Lausanne (Suisse) et du Bauer College of Business (États-Unis) a analysé l’impact de la désignation G-SIB, notamment en termes de frais d’audit. Leur étude se base sur un échantillon de 183 banques européennes issues des pays de l’OCDE de l’Union européenne (15 pays au total), couvrant la période de 2007 à 2014.
La désignation G-SIB a conduit à une augmentation des frais d’audit
Les chercheurs ont constaté que la désignation G-SIB a entraîné une augmentation significative de 12,8 % des frais d’audit par rapport aux banques non-G-SIB. De plus, ils ont montré que l’augmentation des frais d’audit était plus prononcée dans les pays où les organismes de supervision étaient relativement moins puissants juste avant la désignation G-SIB. Des exemples incluent l’Espagne, la Suède et le Royaume-Uni.
Les superviseurs de ces pays, qui étaient relativement moins puissants au moment de la désignation G-SIB, ont vraisemblablement obtenu plus de pouvoir par le biais de la réglementation, obligeant les auditeurs à fournir plus d’efforts, justifiant des frais d’audit plus élevés. « Ce résultat indique que les auditeurs ont principalement réagi à une surveillance bancaire plus étroite plutôt qu’à des problèmes d’agence potentiels induits par les surcharges de capital réglementaires anticipées », explique le professeur Romain OBERSON de l’IÉSEG, l’un des co-auteurs de l’étude.
Qualité des états financiers
La troisième principale conclusion de l’étude concerne la qualité des états financiers : les frais d’audit plus élevés étaient associés à une amélioration de la qualité de l’information financière. Les chercheurs ont utilisé deux mesures pour évaluer la qualité de l’information financière : « lissage des revenus » et « provisions pour pertes sur prêts anormales ».
Le lissage des revenus fait référence à une technique comptable utilisée pour réduire les fluctuations des bénéfices, présentant une performance financière plus stable dans le temps. Les provisions pour pertes sur prêts anormales se réfèrent à des niveaux de provisionnement qui s’écartent significativement de ce qui est généralement attendu en fonction de la qualité du portefeuille de prêts de la banque et des conditions économiques prévalentes. Les chercheurs suggèrent que cette dernière conclusion indique que l’augmentation signalée des frais d’audit reflète probablement un effort d’audit accru plutôt que de refléter uniquement une prime de risque plus élevée facturée par les auditeurs en raison des risques de litige plus élevés impliqués par une supervision bancaire plus étroite.
Applications pour les décideurs politiques et les G-SIB
Dans l’ensemble, cette étude met en lumière l’interaction entre les auditeurs et les superviseurs bancaires qui, malgré leurs rôles qui se chevauchent, poursuivent des objectifs distincts. Les chercheurs notent que leurs conclusions soulignent que le renforcement des capacités des superviseurs bancaires par les décideurs politiques a des conséquences économiques significatives sur l’équilibre des contrats entre auditeurs et clients.
Bien qu’une surveillance bancaire plus étroite se traduise par des frais d’audit plus élevés et donc des coûts supplémentaires pour ces banques, elle contribue également à une meilleure qualité de l’information financière. Les décideurs politiques peuvent donc chercher à équilibrer les charges réglementaires avec des avantages tangibles en termes de transparence bancaire.
Les conclusions de l’étude soulignent que les G-SIB doivent non seulement anticiper une supervision bancaire plus étroite, mais aussi des niveaux plus élevés de frais d’audit, reflétant une surveillance accrue des audits. Elles doivent allouer des ressources en conséquence pour garantir la conformité et viser une haute qualité de l’information financière.
« La désignation des banques comme G-SIB en 2011 par le CSF a entraîné des changements réglementaires significatifs visant à renforcer la stabilité financière. Notre étude constate que la désignation G-SIB conduit à des frais d’audit plus élevés et à une amélioration de la qualité de l’information financière, en particulier dans les pays ayant des superviseurs bancaires plus faibles avant la désignation G-SIB. Cela est conforme à l’idée que la supervision bancaire plus étroite a un impact sur le travail des auditeurs », conclut le professeur OBERSON. « Il est important que les parties prenantes – les banques, les auditeurs et les décideurs politiques – soient conscients de cet impact double en termes de coûts et de bénéfices financiers. »
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