Hedging et Derivatives
Les marchés financiers sont réputés volatiles voire instables, ce qui fait leur attractivité, puisque d’importantes variations représentent de forts gains en puissance, mais aussi leur faiblesse, en particulier en période de crise. Au fil du temps, et en particulier face aux critiques acerbes des économistes (tel que le prix Nobel de 1972, Kenneth Arrow) sur un marché qui paraissait irrationnel, différentes techniques de plus en plus complexes ont été développées afin de limiter l’impact de ces variations. On regroupe l’ensemble de ces techniques sous le nom « hedging » ou « hedge » (couverture/protection en anglais).
Le hedging se définit comme un management du risque qui consiste à éviter des pertes trop importantes sur des actifs en signant des contrats, s’apparentant à des assurances, qui viennent compenser la baisse de la valeur de l’actif (asset). En général, ces contrats d’assurance prennent la forme de « derivatives », aussi appelés « produits dérivés », qui se sont fortement démocratisés ces dernières décennies. Par conséquent, pour comprendre le hedging, il nous faut encore définir les derivatives. En finance, un derivative est un contrat dont la valeur provient (on dit qu’elle est « dérivée ») de la performance d’une entité sous-jacente appelée « underlying ». L’underlying peut être un actif (dette, actions…), un indice ou un taux d’intérêt. En général, les derivatives sont utilisés à deux fins complètement opposées : réduire l’impact des variations de l’underlying ou augmenter cet impact. Les dérivatives font partie des produits financiers les plus courants avec les actions et les émissions de dettes (prêts immobiliers et obligations) et peuvent prendre différentes formes que nous détaillerons plus loin : les options et les locks (futures, forwards et swaps).
Options et hedging
La théorie est toujours un peu abstraite, la mise en pratique en revanche est très concrète et courante dans le monde de la finance au sens large. Commençons par le plus simple : l’utilisation des options comme protection aux variations sur le marché des actions. Une option peut être de deux types : call (on achète le droit d’acheter) et put (on achète le droit de vendre). Admettons qu’un investisseur détienne 1 action AAPL (Apple) qu’il paye $160 (spot price/prix de marché). Il craint que l’action subisse une baisse importante et il ne veut pas prendre trop de risques. Il achète alors une put option d’une durée d’un an, qui est un contrat qui lui garantit qu’il pourra vendre son action à un prix déterminé par le contrat, ce prix est appelé strike price ou encore exercise price. Ici, disons que le strike price est de $140. Maintenant, si le prix de l’action chute à $120, notre investisseur pourra vendre son action à $140 puisque quelqu’un s’est engagé à l’acheter à ce prix. Par conséquent, l’investisseur aura perdu 160+prix de la put option-140, soit environ $30 alors qu’il aurait perdu 160-120=$40 sans la put option. Il aurait aussi pu choisir de vendre séparément l’option et l’action, auquel cas il aurait gagné $120 par la vente de l’action sur le marché et le prix de vente de la put option aurait été de exercise price (140) – stock price (120) = $20 (puisque l’acheteur aura le droit d’acheter l’action au prix de marché et de la revendre au strike price). On retrouve bien le total de $140.
Futures et Hedging
Il est aussi possible de se prémunir contre les variations futures du marché, c’est notamment utile lorsqu’une transaction doit avoir lieu à une date éloignée. Il est donc possible de prédéterminer le prix d’une transaction qui aura lieu dans le futur de par un contrat, nommé futures ou forwards (la différence majeure étant que dans un futures les counterparties ne se rencontrent pas, on parle d’ « exchange trading », et passent par un intermédiaire qui requiert alors l’établissement d’une margin call). L’idée des futures est née au Japon à la fin du XVIIe siècle, à Osaka en particulier, parce que les samouraïs étaient payés en riz et, par conséquent, avaient besoin d’une conversion stable avec la monnaie nationale, en particulier en cas de mauvaises récoltes. Le prix du riz était alors fixé avant même sa récolte. Voyons plus en détail le fonctionnement des futures et leur impact sur la gestion du risque. Admettons qu’un investisseur en commodities (matières premières) veut acheter du blé dans 1 an. Il signe un contrat avec un producteur pour acheter 10t de blé pour $10 000. Il n’a pas besoin de payer les $10 000 au moment de la settlement date (date de formation du contrat) mais lors de la delivery date (date qui est déterminée dans le contrat, ici dans un an). Pour ce faire, il passe par un broker qui va assurer la bonne tenue de la transaction. Pour éviter que l’investisseur ne fasse défaut, le broker va lui demander de déposer un montant (qui peut être composé d’argent cash ou d’actifs dont la valeur est la valorisation actuelle sur le marché). Admettons que l’investisseur dépose $4000 de sa poche et emprunte $6000 au broker. Soit une margin call (montant en dessous duquel la valeur du compte ne doit pas baisser) de 20%. La valeur du blé fluctue sur le marché durant l’année avant la réalisation de la transaction. Si le blé baisse en dessous du prix inscrit dans le contrat (à un an), que l’on appelle le forward price, alors la valeur du compte baisse. Admettons que le prix du blé baisse de 30% par rapport au forward price, le compte vaut maintenant $7000. Sur ces $7000, $6000 ont été empruntés. Or, la margin call est de 20% ce qui signifie que dès que le compte tombe en dessous de 6000/(1-0.2)= 7500, l’investisseur doit remettre des actifs sur son compte, ici d’une valeur de $500. Grâce à cela, le broker s’assure que l’investisseur aura de quoi payer le jour de la transaction, jour où il paiera les $10 000 prévus contre les 10t de blé*. Finalement, les futures permettent une transaction sécurisée dans le futur avec un prix prédéterminé.
Currency forward et hedging
Dernière utilisation majeure des derivatives comme hedging : le FX forward. Le FX forward vise à se protéger des variations du taux de change en prédéterminant un taux fixe dans un contrat pour une transaction prenant place dans le futur. Par exemple, un constructeur de voiture japonais veut vendre 100 voitures pour un montant de $1 000 000 à un revendeur américain et le taux de change actuel est de $1=100Yen. L’exportation devrait être complétée dans 1 an mais le vendeur japonais craint que dans un an le Yen se soit apprécié et donc que lors de la conversion il reçoive moins de yens par dollar. Dès lors, le constructeur japonais peut faire un forward contract dans lequel il vend pour un 1 million de dollars avec un taux de change de $1=100Yens.
Conclusion
Ainsi, les marchés financiers ont su s’adapter aux risques systémiques en développant de nouvelles techniques, regroupées sous le terme hedging, pour se prémunir, dans une certaine mesure, d’une volatilité excessive des prix sur le marché. Les dérivatives ont donc été une petite révolution et se sont très fortement démocratisés. Cependant, si les derivatives ont avant tout été conceptualisés pour le hedging, ils peuvent aussi être utilisés pour accentuer les variations du marché, et donc le risque de crises comme l’ampleur des crises en elles-mêmes. C’est la raison pour laquelle le milliardaire Warren Buffet, qui a fait fortune en investissant en bourse, appellent les derivatives « financial weapons of mass destruction » ; par exemple, la crise financière de 2008 a été d’abord causée par les derivatives sur le marché des prêts immobiliers.
*Pour être précis : l’investisseur paiera, au moment de la delivery date, le spot price (prix de marché) et non le forward price. Mais, la margin call aura déjà redistribué la différence entre le spot price et le forward price (soit envers le producteur si le spot price est inférieur au forward price, soit envers l’investisseur). En d’autres termes, dès que le prix de marché est en dessous du prix inscrit dans le contrat, l’investisseur perd puisqu’il avait anticipé une hausse du prix (c’est la raison pour laquelle il a fait un contrat pour acheter à un prix fixe). Donc, l’argent qu’il devra rajouter sur sa margin call sera ensuite viré sur le compte du producteur. Finalement, le jour de la transaction, l’investisseur paye le spot price mais il aura déjà sur son compte la différence entre le spot price et le forward price.
On a: Compte = (spot price-forward price) – spot price = - forward price. Donc, cela revient, pour l’investisseur, à payer le forward price.
Sources
Investopedia. (n.d.). Exercise Price Definition. [online] Available at: https://www.investopedia.com/terms/e/exerciseprice.asp [Accessed 2 May 2022].
Reiff, N. (2021). Hedge. [online] Investopedia. Available at: https://www.investopedia.com/terms/h/hedge.asp.
www.bloomberg.com. (n.d.). Bloomberg - Are you a robot? [online] Available at: https://www.bloomberg.com/markets/stocks/futures.
Schwab Brokerage. (n.d.). Understanding Futures. [online] Available at: https://www.schwab.com/futures/what-are-futures
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