Crypto-actifs : de quoi la faillite de FTX est-elle le nom ?
FTX Crypto Exchange : la chute d’un géant des cryptomonnaies
Le 12 novembre 2022, FTX – l’une des trois plus grosses plateformes d’échange d’actifs numériques virtuels – s’est placée sous la protection du chapitre XI de la loi américaine sur les faillites. Lancée en mai 2019, la société s’est fait un nom en devenant un acteur spécialisé notamment dans les produits dérivés sur les crypto-actifs. Sur le papier, le succès de FTX et de son fondateur, le multimilliardaire Sam Bankman-Frieden, devenait presque insolent : l’entreprise qui avait revendiqué un résultat d’exploitation d’un montant de plus d’un milliard de dollars dans le monde pour l’année 2021, avait multiplié les investissements dans d’autres acteurs du monde des crypto-monnaies et les rapprochements avec des sociétés financières traditionnelles.
Le gouffre entre la performance affichée de FTX et la rapidité de son effondrement peut donc ne susciter que des questionnements. La situation est aujourd’hui confuse : les clients de la société ont brutalement perdu l’usage des fonds qu’ils avaient sur la plateforme, les raisons de la faillite de FTX restent floues et l’impact total du dépôt de bilan est indéterminé. Sans surprise, les régulateurs américains – la U.S. Securities and Exchange Commission (SEC) et le département de la Justice (DOJ) en tête – se sont saisis du dossier. La France n’est pas en reste puisque l’Autorité des marchés financiers (AMF) a fait parvenir un questionnaire le 14 novembre 2022 aux acteurs français régulés pour connaître leur exposition à FTX et leur éventuel plan d’action pour indemniser leurs clients.
Pourquoi l’effondrement de FTX a-t-il un tel retentissement dans l’écosystème des cryptomonnaies ?
L’enjeu principal pour les régulateurs est en premier lieu de limiter les risques de contagion sur le marché des cryptomonnaies. En mai 2022, l’effondrement du protocole Terra/Luna avait entraîné une véritable réaction en chaîne dans l’univers des crypto-monnaies avec la faillite d’acteurs majeurs des crypto-actifs, comme Celsius ou le fonds d’investissement 3AC, et un préjudice financier estimé à 40 milliards de dollars réparti sur des millions d’investisseurs. De nombreux acteurs utilisaient FTX comme leur principale plateforme de gestion, comme la plateforme de prêts BlockFi (4 milliards de dollars d’actifs sous gestion), comme l’a souligné le Wall Street Journal ce mardi.
Les premières estimations de la chute FTX laissent entendre que la plateforme pourrait avoir perdu de 10 à 80 milliards de dollars. L’imprécision de ces premières estimations s’explique par deux principales raisons.
D’une part, les raisons de l’effondrement ne sont pas encore connues. Le 10 novembre, le Financial Times a publié un bilan de FTX, qui montrait un écart de plus de 2 milliards entre les actifs et le passif de l’entreprise spécialiste des crypto-actifs. L’explication la plus probable est que la plateforme aurait utilisé les dépôts de ses clients sans leur consentement pour prendre des positions sur des actifs numériques via son fonds d’investissement, Alameda Research. Cette hypothèse expliquerait pourquoi FTX n’a pas pu honorer les demandes de retrait de ses clients, qui ont atteint près de 5 milliards de dollars pour le seul week-end du 12 et 13 novembre.
D’autre part, l’hypothèse que FTX ait commise des fraudes délibérées et des erreurs de gestion n’est pas à exclure. Peu de temps après avoir déposé son bilan et gelé ses actifs, une partie des clefs privées qui assurent la sécurité des actifs de FTX ont ainsi été compromises et près de 400 millions de dollars ont ainsi été volés lors d’un incident de sécurité au timing particulièrement suspect.
Bitcoin, Binance Coin… : la valeur des monnaies virtuelles en question après la faillite de FTX
Les déboires de FTX ne sont pas sans rappeler le scandale de Lehman Brothers, avec le risque d’entraîner une crise de confiance envers les plateformes de crypto-actifs. Par crainte d’une panique généralisée qui verrait des millions d’investisseurs demander le retrait de leurs dépôts de jetons, faisant courir un risque de crise de liquidité important, les principaux acteurs du secteur ont entrepris de montrer leur bonne foi en faisant preuve de transparence sur leurs réserves, à l’image de Binance ou Kraken.
Le secteur des crypto-actifs se prépare à faire l’objet d’une attention renforcée de la part des régulateurs européens et américain et d’un durcissement réglementaire dans les mois qui viennent. La banque centrale américaine a ainsi déclaré ce lundi que l’effondrement de FTX est une nouvelle preuve de la nécessité de soumettre le secteur aux mêmes réglementations que le secteur financier traditionnel.
L’effondrement de FTX était-il finalement évitable ? Répondre à la question est complexe à ce stade de l’affaire. Il convient néanmoins de rappeler que FTX n’était pas un acteur régulé en France puisqu’il ne disposait pas de l’enregistrement PSAN délivré par l’AMF. Il convient enfin de rappeler que le règlement MiCa adopté par l’Union Européenne le 10 octobre 2022 contient des règles et des obligations qui visent justement à protéger les investisseurs et à rendre le fonctionnement des plateformes d’échange de crypto-actifs plus transparents.
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