Le défi du suivi des mesures de gel des avoirs pour les institutions financières
D’où proviennent les mesures de gel des avoirs ?
L’actualité financière est particulièrement riche en annonces de sanctions financières. La guerre de la Russie face à l’Ukraine a conduit à des mesures de sanctions prises par de nombreux États. En pratique, plus de 1 000 personnes et des dizaines d’entités font l’objet de gel des avoirs.
Les organismes pouvant prononcer des mesures restrictives sont le Conseil de Sécurité des Nations Unies, le Bureau américain de contrôle des avoirs étrangers (OFAC) ou encore l’Union Européenne et les États eux-mêmes. Ces sanctions sont des instruments de la politique étrangères des États et imposent de mettre en place des restrictions commerciales et des mesures de gel des avoirs que les institutions financières doivent déployer par des dispositifs opérationnels pour des individus et des entités nommément désignées.
La lutte contre le terrorisme est aussi un motif de mesures de gel des avoirs et la commission nationale de lutte contre le terrorisme en France a renouvelé récemment le gel des avoirs de plus de 40 personnes pour 6 mois supplémentaires.
Et en pratique, qu’implique une mesure de gel des avoirs ?
Le gel des avoirs vise à empêcher les transferts de fonds et l’utilisation de leurs avoirs pour les individus et les entreprises concernées. Les banques peuvent continuer à conserver les dépôts mais ne doivent pas permettre de retrait de fonds ni d’achat ou vente d’instruments financiers. Toute vente ou acquisition de biens leur est également interdite. Les contrats d’assurance-vie seront gelés également.
Il existe des dérogations destinées à répondre aux besoins fondamentaux des personnes et des entités concernées par les mesures de gel. C’est la Direction Générale du Trésor qui publie le Registre national des gels et qui est l’Autorité compétente pour décider des mesures de dégel. Par exemple, elle pourra accepter le déblocage de sommes pour payer des loyers, rembourser des mensualités d’emprunt hypothécaire ou encore régler des frais médicaux. Par ailleurs, un montant en espèces agréé d’avance est généralement remis par la banque à la personne concernée pour lui permettre de régler ses dépenses alimentaires.
L’enjeu majeur pour les banques : se conformer à leur obligation de résultats.
La mise en place des mesures de gel des avoirs complète généralement le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme. Mais à la différence de ce dispositif qui constitue une obligation de moyens pour les banques, les mesures de gel des avoirs génèrent une obligation de résultat.
Dans la pratique, quand une banque détient un compte d’une entité ou d’une personne désignée comme cible de sanctions, elle doit geler, c’est-à-dire bloquer le compte empêchant tout mouvement sans autorisation préalable de la Direction Générale du Trésor. Elle doit aussi refuser toute nouvelle opération bancaire et bloquer les moyens de paiement. Le client concerné par une mesure de gel en est informé officiellement et il peut se tourner vers le Direction Générale du Trésor s’il souhaite obtenir un recours de la décision prise.
Respecter les mesures de gel des avoirs consiste d’abord à les identifier, à instaurer des systèmes d’accès aux informations, de mettre en place les restrictions ainsi que des contrôles a posteriori. Cela nécessite d’avoir une connaissance précise des clients et des bases données bien renseignées et à jour afin que les filtrages soient efficaces. Opérer un filtrage réussi des clients nécessite généralement, outre des dispositifs de détection manuelle, le recours à des outils qui auront intégré les listes à jour de gel des avoirs. Il s’agit ensuite d’identifier les éventuelles homonymies et repérer les tentatives de contournement des sanctions par les personnes gelées afin d’en informer la Direction Générale du Trésor.
Quels risques pour les organismes financiers qui ne se conforment pas ?
Le risque en cas de non-application des mesures de gel ou de contournement peut aller jusqu’à 5 ans de prison. Et en cas de défaillances dans leur dispositif opérationnel, les institutions financières pourraient avoir à payer des montants d’amendes considérables voire faire face à une radiation. C’est l’ACPR qui contrôle le respect par les organismes financiers de la mise en place des mesures.
À titre d’exemple, l’AMF et l’ACPR ont annoncé le 27 septembre 2022 la radiation du PSAN (plateforme de cryptoactifs) BYKEP SAS pour différents manquements graves dont des défaillances de mise en œuvre des mesures de gel des avoirs.
Avoir des experts compétents : une nécessité pour les banques
Ce sont les départements de conformité ou de sécurité financière qui sont habituellement en charge de ces process dans les organismes financiers. La formation est une composante essentielle pour les entreprises du secteur financier. Former les collaborateurs de façon régulière, en assurant leur mise à jour et avoir des experts pour faire face à la mise en place des dispositifs de conformité.
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