Quand le savoir-faire rencontre la réalité du terrain et prépare l’avenir
Ce qui rend l’enseignement fascinant de richesses, c’est son ancrage à la fois dans le passé, le présent et le futur. Autrement dit, quand le savoir-faire rencontre la réalité du terrain et prépare l’avenir. Pour discuter d’un sujet aussi complexe que la finance de demain, nous nous sommes logiquement tournés vers les professeurs de ESCP, aux premières loges sur ce sujet. Rencontre avec Prof. Philippe Thomas, Directeur Scientifique du MS Finance, et Dr Christophe Thibierge, professeur de Finance.
« Il y a un développement sans précédent d’acteurs nouveaux de la finance. Ces derniers recrutent et favorisent l’émergence d’une nouvelle finance, plus responsable, plus positive, qui est réellement en train de bouger les lignes. » – P. Thomas
Qu’est-ce que ESCP ?
P.T. – C’est la plus vieille école de commerce du monde, elle a été créée il y a plus de 200 ans. Une école très internationale comprenant une majorité d’élèves et de professeurs qui sont non français. C’est pourquoi nous avons une vision très européenne des choses.
C.T. – ESCP est une école à l’ADN profondément européen. C’est pourquoi elle est implantée dans six campus, situés à Berlin, Londres, Madrid, Turin, Paris et Varsovie.
Qu’est-ce qui fait la force et la différence de ESCP ?
P.T. – L’école se singularise par ses formations pointues d’un point de vue professionnel. Elles sont très appliquées, concrètes, car nous accordons beaucoup d'importance au placement de nos élèves. Aussi ESCP est une des rares institutions académiques à bénéficier de toutes les accréditations pour ses formations. Sans oublier qu’il s’agit d’une des « trois parisiennes » comme on dit dans la tradition française, une des grandes écoles de management avec à l’entrée une sélection rigoureuse. Au-delà des aspects techniques et académiques, il y a chez nous de vraies valeurs. Des valeurs auxquelles nous sommes attachées depuis 200 ans et qu’on a toujours su adapter.
C.T. – Le modèle des six campus permet d’avoir une scolarité résolument tournée vers l’international. La plupart des formations à ESCP comprennent des séjours sur nos campus à l'étranger, les cours se font dans différentes langues et tous nos élèves sont minimum bilingues, souvent trilingues. Il faut aussi noter que ESCP s’est engagée relativement tôt dans le lancement de programmes allant dans le sens du développement durable.
En quoi la finance est un secteur intéressant pour les années à venir ?
P.T. –. D’abord parce que c’est un secteur structurellement porteur et recruteur. Il y a beaucoup de débouchés en finance, notamment dans les banques et les banques d’investissement. Il faut également noter qu’il y a un développement sans précédent d’acteurs nouveaux de la finance. Ces derniers recrutent et favorisent l’émergence d’une nouvelle finance, plus responsable, plus positive, qui est réellement en train de bouger les lignes.
C.T. – Les jeunes que l’on forme sont de plus en plus demandeurs sur ces problématiques. On a donc décidé d’ouvrir des options de finance durable et développer des programmes en sachant pertinemment qu’ils devront évoluer chaque année. Pour cela nos étudiants nous montrent le chemin en pointant du doigt ce qu’il faut remettre en cause. Ils nous amènent à voir au-delà de la finance. Tout ce qui est lié au développement durable nécessite d’aller au-delà de la simple dimension financière. Pour favoriser ces échanges, nous avons même un séminaire d’entrée à l’école, d’une semaine, portant sur des réflexions autour de la soutenabilité et du développement durable. Leur formation n’a pas commencé qu’ils sont déjà invités à travailler sur ce sujet.
Quels sont les différents domaines que vous abordez dans vos formations spécialisées ?
P.T. –. Nos formations couvrent tous les champs de la finance, après il faut se pencher sur les programmes. Dans le Master in Management Grande Ecole, on a une série de spécialisations dont les classiques finance de marché et finance d’entreprise. Le MBA couvre plus largement le sujet et porte sur toute la culture financière. Mais l’endroit où la finance est la plus poussée dans la maison, c’est dans le Mastère Spécialisé Finance. On ne fait que ça. Un an avec près de 600h de cours uniquement en finance. Au début on fait de la finance classique avec des bases générales, et dès qu’on avance dans l’année on commence par couvrir chaque métier. On a vraiment fait le choix d’une approche par métier pour former nos élèves à la pratique et pour favoriser l’insertion professionnelle. On peut aussi compter sur nos anciens élèves pour assurer les cours dans nos programmes et leur continuité. Le cours de modélisation par exemple, est proposé par un ancien du master qui est le patron de la banque d’affaires BNP Paribas à Dubaï. Il vient de Dubaï pour le faire. Ce sont des praticiens qui connaissent bien leur sujet et qui sont réellement proches de nos élèves.
C.T. – En finance classique, j’aborde les thèmes traditionnels de la finance : la valeur de l’argent au fil du temps, les projets d’investissement, les politiques de financement, la gestion de portefeuille et la gestion des risques. Depuis une dizaine d’années j’ai un cours de finance comportementale visant à comprendre les biais de rationalités de ceux qui prennent des décisions. Nous ne sommes pas rationnels 100% du temps et c’est ce qui nous intéresse ici. Depuis un an, nous avons aussi une spécialisation finance durable à Berlin, la prochaine ouvrira sur notre campus de Paris. Notre prochain défi, proposer des spécialisations plus transversales qui consistent à pouvoir faire travailler nos étudiants dans des banques, compagnies d’assurance, compagnie financière d’un grand groupe, sur des problématiques de finance durable.
La technologie, l’intelligence artificielle et l’innovation sont-elles abordées dans vos formations ? Ces domaines sont-ils un atout majeur pour l’employabilité des jeunes diplômés ? Et un pari d’avenir ?
P.T. –. Dans tous les cours on intègre la dimension technologique. On a aussi des cours dédiés, mais on n’est pas une école d’ingénieurs donc on est plus sur une approche générale de la chose et les élèves peuvent ensuite se spécialiser s’ils en ont envie. On a des cours d'approfondissement dans de nombreux domaines, mais pour ce qui est de l’avenir, il se joue particulièrement du côté de la finance positive, celle qui transforme réellement les métiers de la finance moderne.
C.T. – La jeunesse est confrontée à des enjeux climatiques, des enjeux de catastrophes naturelles ou de pandémie qui leur donnent envie de réfléchir et de repenser nos modèles de risque/rentabilité qui deviennent poussiéreux. Il s’agit maintenant d’aller vers une finance beaucoup plus collective, qui prend en compte tous les intérêts, tous les impacts réels de la finance sur le monde extérieur comme la pollution ou le chômage et qui les intègre dans ce modèle, plutôt qu’une finance tournée exclusivement vers l’actionnaire. Sinon il y a beaucoup de disciplines financières dans lesquelles l’IA et l’automatisation sont inéluctables. Reste à identifier les choses pour lesquelles il y aura encore besoin d’êtres humains. C’est dans cette approche transversale que nous nous inscrivons, mais l’avenir de la finance se trouve plutôt dans la finance dite « positive ».
Quelle est votre spécialité ? Quelle évolution pour ce domaine ?
P.T. –. Je suis professeur de finance et j’enseigne les fusions-acquisitions. C’était mon métier avant d’être professeur. C’est un des cours les plus suivis, les plus populaires, car c’est un domaine qui recrute. Ce qu’on remarque sur le plan de l’évolution, ce sont les progrès théoriques. La théorie financière a inventé de nouveaux outils, de nouveaux modèles. Les pratiques dans la banque d’affaires ont beaucoup évolué et nos anciens élèves nous tiennent bien à jour de ces évolutions.
C.T. – Ma spécialité, c’est l’analyse des comptes des entreprises. L’évolution, c’est qu’il faut désormais inclure dans les rapports annuels des entreprises, tous les impacts environnementaux pour savoir repérer le greenwashing qui est une pratique très courante. Il n’existe pas encore de norme ou de consensus sur ce sujet, mais les jeunes générations sont très réactives sur les réseaux sociaux.
Des conseils à donner pour rejoindre l’école et réussir sa formation ?
P.T. –. Je dis toujours qu’il faut aller contacter nos anciens élèves. Discutez avec eux. Leurs retours et leurs ressentiments sont des informations très précieuses. On tient vraiment à faciliter la transmission de l’information, donc dans tous les programmes vous retrouverez les contacts des délégués ou ambassadeurs de la promotion. Ils jouent tous le jeu et prennent le temps de répondre aux candidats. L’idée est aussi d’avoir un vrai projet lors de la candidature. Même imprécis, on est justement là pour l’affiner.
C.T. – Apprenez-nous des choses, n’hésitez pas à remettre en cause les modèles qu’on vous présente. Soyez force de proposition et de discussion. Nous sommes avides d’apprendre de ces jeunes qui sont connectés au monde entier, lisent et décryptent beaucoup. Qui ont des idéaux. Il faut pouvoir dialoguer. Si vous avez des données et travaillé votre sujet, vous trouverez toujours quelqu’un chez nous pour avancer avec vous.
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