Les avancées de l'Europe menacées par le rapport Draghi
Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne, appelle à alléger les contraintes imposées par la directive CSRD (reporting de la durabilité) et la directive CSDDD (devoir de vigilance), qu'il considère comme un fardeau administratif pour les entreprises. Ces mesures, bien qu'essentielles au cadre réglementaire de la finance verte en Europe, pourraient selon lui freiner la compétitivité économique du continent. Son rapport, fraîchement publié, a immédiatement suscité l'indignation des défenseurs du capitalisme durable.
Richard Gardiner, directeur des politiques européennes à l'ONG World Benchmarking Alliance, exprime une vive opposition : « Si l'Europe suit les recommandations de Draghi, elle anéantit la directive sur le devoir de vigilance. » Draghi estime en effet que la réglementation actuelle représente une charge excessive, aggravée par un manque de clarté sur l'application des règles et les interactions entre les différents textes. Dès 2024, la directive CSRD obligera les entreprises à divulguer leur impact environnemental et social, tandis que la CSDDD leur imposera de respecter les droits humains et environnementaux sur l'ensemble de leur chaîne d'approvisionnement.
Richard Gardiner critique sévèrement le rapport Draghi, affirmant qu'il ne repose sur aucune preuve solide. Selon lui, les directives ne sont pas encore pleinement mises en œuvre, et leurs coûts réels restent inconnus. Il prévient que suivre les recommandations de Draghi serait davantage un choix pour la dérégulation que pour la compétitivité européenne. Le cadre réglementaire actuel, que Draghi juge trop lourd, regroupe huit lois qui imposent des obligations souvent impopulaires auprès des entreprises.
Ces critiques font écho à la feuille de route d'Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, qui s’est engagée en juillet dernier à réduire le fardeau administratif dans sa quête de réélection. Le rapport Draghi propose notamment de relever les seuils définissant une PME, qui déterminent quelles entreprises sont soumises aux obligations réglementaires. Actuellement, une entreprise est classée PME si elle ne dépasse pas deux des trois critères suivants : 25 millions d’euros de bilan, 50 millions d’euros de chiffre d’affaires et 250 employés. Si ces seuils sont encore relevés, de nombreuses entreprises échapperaient à certaines contraintes.
Draghi suggère également de créer une nouvelle catégorie comptable pour les petites et moyennes capitalisations boursières, les soumettant aux mêmes règles que les PME. Actuellement, environ 800 PME sont cotées en Europe, et la proportion concernée par ces changements dépendrait des nouveaux seuils adoptés. Cette remise en cause du contenu et de la portée des textes européens n'est pas inédite : la directive sur le devoir de vigilance a déjà été l'objet de modifications majeures, comme l'exclusion du secteur financier, après de vifs débats en juin dernier.
Alors que le réexamen des textes du Pacte vert refait surface, une étude mondiale menée par PwC auprès de 500 professionnels montre que les entreprises sont globalement confiantes quant à leur capacité à respecter les obligations de la CSRD d'ici 2025.
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