Découvrez l'interview exclusive de Thomas Lesobre - Chef de projet SAP & Délégué aux données financières (CDO) chez Air France
1. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots (votre métier, votre parcours) ?
Bonjour, après un doctorat en sciences de gestion effectué en apprentissage (contrat CIFRE), j’ai hésité entre devenir professeur d’université ou rester dans l’entreprise étudiée pour ma thèse : le groupe Air France.
Après un VIE comme professeur d’économie au lycée français du Tchad, j’ai décidé d’intégrer Air France.
Le groupe Air France, puis Air France-KLM, m’a offert l’opportunité d’être successivement dans les directions comptable, assistance maîtrise d’ouvrage finance, contrôle de gestion, audit interne, couvrant l’ensemble des sujets d’un ancien du master Compta-Contrôle-Audit-Système d’information de gestion de Paris Dauphine !
J’ai été en poste dans des entités opérationnelles, mais aussi dans des équipes corporate que ce soit chez Air France, chez KLM pendant quatre ans ou au sein de la holding Air France-KLM.
Aujourd’hui, je suis en charge de la première ligne de défense de la direction financière du groupe Air France, data officer & SAP program manager du même domaine. En parallèle, je suis professeur associé au sein de l’Université Paris-Nanterre.
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2.Comment avez-vous découvert le milieu de la finance ?
J’ai rapidement voulu comprendre les dynamiques du monde et je me suis alors orienté en filière ES au lycée. Après avoir hésité entre journalisme, droit, j’ai choisi les sciences de gestion et je suis entré à l’Université Paris-Dauphine.
3. Quels sont les softskills primordiaux dans le secteur de l’audit ?
Le premier softskill essentiel est la rigueur intellectuelle, tant dans la manipulation des chiffres que dans la rédaction des recommandations : il est toujours délicat d’émettre une recommandation qui peut être perçue comme un jugement par les audités.
Il faut également de la curiosité, surtout en audit interne, où l’auditeur peut passer d’une mission d’audit sur la direction des ressources humaines à un audit sur les stocks de pièces aéronautiques, à un audit sur le programme de fidélisation Flying Blue.
Et enfin, de l’empathie dans le sens où l’auditeur interne doit faire des recommandations réalisables par l’audité qui est, ne l’oublions pas, son collègue.
4. Comment Air France KLM recrute leurs auditeurs et comment évoluent-ils au sein de l’entreprise ?
Air France-KLM traverse une période difficile et a donc fortement limité ses recrutements ces derniers temps.
Dans le passé, nous avons recruté des jeunes de cabinets d’audit ayant cumulé entre trois et cinq ans d’expérience. Sur certains postes, notamment d’audit interne informatique, l’expérience peut être différente en entreprise et plus longue.
Ces jeunes, connaissant les dernières techniques d’audit, se mélangent avec des salariés d’Air France qui sont venus à l’audit interne après des parcours opérationnels et qui apportent leur connaissance interne des outils, processus et de l’organisation, sans parler des femmes et hommes qui composent l’entreprise !
Après quelques années à l’audit interne, la plupart des auditeurs trouvent des postes selon leur appétence, que ce soit en contrôle interne, en contrôle de gestion, en comptabilité, ou encore dans les équipes de compliance.
5. Quelle est l’importance de l’audit financier au sein de l’écosystème financier ?
L’audit interne est un maillon essentiel de la mise sous contrôle de nos processus. Dans le jargon de contrôle interne, l’audit interne est la troisième ligne de défense après les métiers eux-mêmes (non-professionnels du contrôle, les métiers doivent néanmoins connaître leur processus, les risques associés et mettre en place des contrôles pour les mitiger, puis exécuter ces contrôles dit permanents) qui sont la première ligne de contrôle (que je coordonne pour la finance d’Air France). Le contrôle interne constitue la seconde ligne de défense.
Les rapports de mission de l’audit interne, à travers leurs recommandations, obligent l’organisation à une amélioration permanente à travers les plans d’actions qui sont suivis suite à ces missions. Cela va constituer la troisième ligne de défense.
Le bilan annuel est ensuite dressé et présenté aux Commissaires aux comptes ainsi qu’au Comité d’Audit du groupe Air France et Air France-KLM, soulignant l’importance du processus.
6. Quelles sont les spécificités l’audit financier au sein d’Air France KLM ?
Le groupe Air France-KLM a une double spécificité : un grand groupe (plus de 80 000 salariés, plus de 20 milliards de CA) mais avec très peu d’entités juridiques. En effet même si nous desservons plus de cent pays, les compagnies aériennes n’ont pas besoin de créer des filiales pays par pays. Nous avons donc la chance d’avoir des processus intégrés et similaires quel que soit le pays.
Et donc nos auditeurs internes peuvent faire des audits en « délégation », dans chaque pays, en déployant la même méthodologie. Nous avons des équipes d’audit composées d’un audit manager, et de deux auditeurs, généralement un d’Air France et un second de KLM. Ces missions d’audit durent 8 semaines en général et peuvent donc concerner quasiment tous les pays de notre planète.
7. Quelle est la différence entre l’audit interne et l’audit externe ?
L’audit externe a pour finalité de certifier les comptes et de rassurer les parties prenantes extérieures à l’entreprise quand l’audit interne a davantage pour mission d’assurer une amélioration continue dans la maîtrise des risques.
La deuxième différence est que l’audit externe va se focaliser davantage sur les risques financiers quand l’audit interne peut effectuer des missions sur des sujets plus variés.
La troisième différence est que l’audit externe ne peut pas effectuer des missions de conseil (stricte séparation entre les parties audit et advisory), alors que les équipes d’audit interne sont parfois appelées pour de telles missions (gouvernance, organisation, reengineering de processus, …).
8. Comment arrivez-vous à être au courant des nombreux changements de réglementation ?
Nous avons, au sein du groupe Air France-KLM, des équipes comptables, juridiques, compliance qui font de la veille réglementaire, en participant à des groupes de réflexion, de lobbying, etc.
Et si nous ne sommes pas vigilants, nos partenaires, éditeurs de solutions numériques ou encore cabinets de conseil, nous rappellent nos obligations toute en proposant leurs services.
9. Quels conseils pourriez-vous donner à une personne qui souhaite se diriger vers ce secteur ?
Comme évoqué, faire un master CCA pour un cabinet d’audit externe, ou un master de type CGAO (Contrôle de Gestion et Audit Organisationnel) si on s’oriente davantage vers l’audit interne.
La finance étant de plus en plus digitalisée, il faut une appétence pour les systèmes d’information, au-delà d’être à l’aise avec les chiffres, et avec les données plus largement car la performance extra-financière devient aussi importante que la performance financière.
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