La croissance verte va-t-elle nous sauver ?
Après une récession de 8,3 % en 2020, le premier trimestre n’a pas apporté d’éclaircie puisque le PIB de la France a encore reculé, de 0,1 %. C’est peu mais symbolique d’une difficulté à retrouver la voie de la croissance. Si les prévisions sont plus optimistes pour les prochains trimestres, ce sera surtout dû à un effet de rattrapage ; la question cruciale est : qu’en sera-t-il pour les années à venir ?
La priorité du Plan de relance lancé par le gouvernement est l’écologie, devant la compétitivité et la cohésion. L’objectif consiste à « devenir la première grande économie décarbonée européenne ». La « croissance verte » va-t-elle tirer notre économie dans les années qui viennent ? Nous nous étions interrogés sur la validité scientifique du réchauffement climatique anthropique, c’est-à-dire provoqué par l’homme, dans une précédente lettre, sur son ampleur et sur l’urgence à lutter contre. Ce réchauffement et sa rapidité seraient établis par les modèles du GIEC*, mais ils ne semblent pas beaucoup plus fiables que ceux des épidémiologistes…
Quoi qu’il en soit, il s’agit du cadre retenu par le gouvernement et par l’Union Européenne. Justement, le think tank Fondapol vient de publier une étude sur le sujet, intitulée Les coûts de la transition énergétique, et ses conclusions s’avèrent plutôt inquiétantes. Fondapol commence par poser le décor : « Selon l’Accord de Paris, la limitation du réchauffement climatique à +2°C d’ici à 2030 implique de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) de 40 %, puis d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. »
Deux modèles s’affrontent pour atteindre ces objectifs :
- « Le premier propose de rompre radicalement avec le système économique et social actuel via la remise en cause du productivisme, du capitalisme et de la société de consommation. Plus qu’une transition écologique, il s’agit d’un véritable changement de société.
- Le second propose d’utiliser les mécanismes économiques classiques (taxes, subventions, quotas, réglementations…) pour encourager les comportements vertueux tout en incitant à l’investissement et à la recherche d’énergies propres. Il s’agit d’adapter le système actuel en le forçant à tenir compte des contraintes et des coûts écologiques. »
Le premier scénario constituerait une véritable purge : « La classe moyenne française verrait son revenu brut divisé par quatre », une terrible régression. Le second scénario attribue un prix au carbone pour inciter les agents économiques à décarboner leurs investissements et leur consommation (le principe du « pollueur payeur »). Fondapol ne livre pas d’estimation sur la baisse du niveau de vie qui en résulterait, mais il avertit : « La politique écologique ne peut se faire sans sacrifice et il est du devoir des gouvernements d’en faire prendre la mesure aux citoyens. » Nous voilà prévenus.
Le coût de cette transition sera élevé comme l’indique l’étude : « la Cour des comptes européenne table sur un budget de 11.200 milliards d’euros entre 2021 et 2030 pour la transition écologique en Europe. Si l’on rapporte ce nombre au prorata du poids économique de la France, cela correspond chaque année à 6 % du PIB français, à 10,6 % des dépenses publiques et à cinq fois le budget actuel alloué à la transition écologique. » Comme le signale le think tank, « Un tel budget implique de recourir à l’endettement, d’augmenter le niveau des taxes ou encore de réduire certaines dépenses. » Rappelons que la France est le pays qui connaît le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé parmi les pays de l’OCDE.
La « croissance verte » relève ainsi en grande partie d’un mirage, ce sont plutôt les taxes et la bureaucratie qui menacent, des pathologies bien françaises ! La hausse des prix de l’électricité, nous la voyons déjà depuis plusieurs années, essentiellement sous l’effet des taxes directement prélevées sur la facture pour financer les énergies renouvelables. L’UFC-Que choisir affirme qu’« un ménage moyen aura vu passer sa facture de 1.019 euros à 1.522 euros entre 2010 et 2020. »
Les protestations montent de toute la France contre les éoliennes, terrestres et offshores, dont chacun commence à comprendre qu’elles coûtent cher et qu’elles défigurent les paysages qui font pourtant partie de nos atouts. En avance sur nous, l’Allemagne montre pourtant l’impasse de cette énergie intermittente qui nécessite la construction de centrales au gaz pour assurer la continuité de l’alimentation ; globalement ses émissions de CO2 baissent à peine ! L’interdiction pour les véhicules diesel d’avant 2006 de circuler désormais dans le Grand Paris va obliger de nombreux ménages à engager une dépense importante. Dans le même temps, la norme Euro 7 (visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules), qui prendra effet en Europe en 2025, signe quasiment la fin du moteur à combustion, avec tous les bouleversements que cela va provoquer dans cette filière industrielle qui emploie des millions de salariés.
Lors de sa récente assemblée générale, Total s’est vu attaquer par plusieurs investisseurs institutionnels lui reprochant sa timidité à lutter contre les émissions de CO2 . Certains ont même réclamé « l’arrêt de l’exploration de nouveaux gisements pétroliers et gaziers ». Veut-on que Total se mette à cultiver du quinoa bio ? Le G7 vient de décider que ses membres s’engagent à ne plus financer de projets de centrales à charbon dans le monde. On parle de la deuxième source d’énergie au monde après le pétrole, très présent dans les pays émergents. Mais qui va récupérer le financement et la construction de ces centrales ? La Chine, qui ne fait pas partie du G7.
La Chine joue un peu sur les deux tableaux : premier émetteur de CO2 dans le monde, et premier exportateur de panneaux solaires. En 2020, l’Empire du Milieu a multiplié par trois sa capacité de production d’électricité par charbon, soit plus que l’ensemble des autres pays du monde. Selon le Global Energy Monitor, cela représente l’ouverture d’une centrale au charbon par semaine. L’Accord de Paris sur le climat lui a exceptionnellement permis de continuer à augmenter ses émissions de CO2 jusqu’en 2030, puis de s’engager à les diminuer ensuite. C’est ce qu’on appelle une « distorsion de concurrence ». Voilà où risque fort de finir notre « croissance verte » : en Chine. Il serait temps de faire un peu moins d’idéologie et un peu plus d’économie.
- Vues1159