L’Open Banking : vers une transformation du secteur bancaire ?
Repenser en profondeur la relation client, redonner aux particuliers la main sur leurs données bancaires, encourager l’ouverture des systèmes d’information des banques pour plus de transparence, mais aussi pour une meilleure expérience utilisateur… bienvenue à l’ère de l’Open Banking ! Les États-Unis et le Canada (une fois n’est pas coutume) accusent un certain retard sur la dynamique d’ouverture du secteur bancaire, mais ils ne devraient pas tarder à rattraper le peloton des pays européens en la matière. L’Open Banking est-il l’avenir de la banque ? Comment les établissements actuels peuvent-ils s’adapter au changement ? Quel impact sur les particuliers ?
Qu’est-ce que l’Open Banking ?
L’Open Banking est à la banque ce que l’Open Source est au logiciel. Il s’agit d’un moyen sécurisé de donner à des fournisseurs de services tiers (applications, Fintech…) l’accès aux informations bancaires des clients.
Nous insistons ici sur l’adjectif « sécurisé » : l’accès nécessite l’aval du client, naturellement. L’Open Banking a été rendu possible grâce à l’arrivée à maturité des technologies numériques actuelles. C’est une sorte de condensé d’intelligence artificielle, de réalité augmentée et des technologies de la blockchain. Pierre angulaire de l’Open Banking, les API (Application Programming Interface) permettent aux tiers « approuvés » d’accéder à vos informations financières pour mieux vous servir. D’ailleurs, l’entrée en vigueur de la nouvelle Directive européenne sur les Services de paiement (DSP2) en janvier 2018 a préparé l’arsenal juridique encadrant la pratique.
Supposons que vous recherchiez un voyage en ligne pour vos prochaines vacances sur l’un des nombreux comparateurs de prix disponibles. Le site en question pourra accéder, si vous l’y autorisez, à vos informations bancaires pour vous proposer les packs qui correspondent le plus à votre budget et aux montants que vous dépensez généralement pour un voyage. Mais les applications de l’Open Banking ne se limitent pas à cela. Les fournisseurs de services tiers peuvent aussi vous aider à faire des économies, à effectuer des paiements hors sites bancaires ou encore à emprunter de l’argent à des taux plus avantageux.
Repenser la relation client pour « actualiser » le modèle bancaire
Concrètement, le modèle de l’Open Banking permettra à l’utilisateur d’accéder, via une interface bancaire unique, à tous les services proposés par l’ensemble des acteurs du marché financier, qu’ils soient bancaires ou non (Fintech, banques classiques, banques en ligne, applications…). Selon un rapport du cabinet PwC, seuls 39 % des clients des banques accepteraient de partager leurs données avec des tiers en échange de bénéfices tangibles (comme le fait de recevoir des offres commerciales ciblées sur Amazon, par exemple). Vu l’important taux de bancarisation en France (99 %, soit 30 points de plus que la moyenne mondiale), et sachant que l’Open Banking n’est pas encore bien appréhendé par le grand public, le taux de 39 % est prometteur.
Certains détenteurs de comptes bancaires ont déjà un premier contact avec l’Open Banking via leur smartphone, notamment à travers les applications qui analysent les dépenses individuelles et qui recommandent des services financiers en fonction de leurs habitudes de consommation (produits d’épargne, placement des fonds non-utilisés, cartes de crédit…). Le RGPD (Règlement général sur la protection des données), et éventuellement d’autres dispositions législatives, devraient permettre d’éviter les abus qui peuvent résulter de cette « ouverture » de la data.
Les craintes des banques et des particuliers
Les banques se montrent pour l’heure relativement réticentes à cette évolution, et on peut le comprendre. L’exclusivité sur ces données est un avantage historique. Mais selon Deloitte, 90 % des banques ont pour objectif de devenir des « banques ouvertes » à l’horizon 2021.
Des craintes, légitimes, sont également exprimées par les particuliers. Sur la question de la sécurité, la loi stipule que le consentement des utilisateurs est un préalable obligatoire à l’exploitation de leurs données. Ce consentement devra par ailleurs être spécifique, libre et découler d’une action du client (par signature électronique ou validation de documents par exemple). La loi se veut donc rassurante sur le sujet, surtout avec l’émergence d’innovations en matière de cryptage des données. Il appartient toutefois à l’utilisateur de faire preuve de prudence et de ne pas « consentir » à partager ses données avec des tiers non garantis par les plateformes de téléchargement connues. Le risque zéro n’existe pas et les brèches de données restent une possibilité. Par exemple, les chiffres recueillis par le gouvernement britannique montrent que 43 % des entreprises au Royaume-Uni ont subi une brèche de données ou une cyberattaque d’avril 2017 à avril 2018. Ce chiffre atteint 72 % pour les grandes entreprises.
Vers un nouveau rôle pour les banques
Sébastien Marinot, Innovation & New Business Models Manager chez BNP Paribas, annonce la couleur : « l’Open Banking remet profondément en question les modèles de l’industrie bancaire ». Le marché financier évolue vers plus de flexibilité pour les consommateurs, lesquels s’attendent désormais à recevoir des produits et services financiers sur mesure. Ce besoin est pour l’heure en partie comblé par des start-up qui ont fait de l’optimisation de l’UX (user experience) leur mantra, attirant une clientèle jeune en quête de services financiers innovants et simples à utiliser.
Dans ce contexte, les banques n’ont d’autre choix que d’adapter leur business model pour tendre vers celui de leurs nouveaux concurrents. Mais en attendant, certaines, comme BNP Paribas, ont fait le choix de l’open innovation pour répondre à ces défis. La banque française collabore avec les start-up du secteur dans un schéma de partenariat pour enrichir son offre de services. En parallèle, BNP Paribas a mis en place des incubateurs de start-up pour les aider à se développer… et rester à la page.
Le cabinet Deloitte, qui a réalisé une étude sur le nouveau rôle des banques dans le cadre de l’Open Banking, a identifié 4 stratégies que les banques classiques pourraient adopter pour répondre à ce défi :
- le modèle « Full-service provider » : les banques proposent elles-mêmes les services de personnalisation, excluant les tiers et l’usage des API ;
- le modèle « Utility » : cette stratégie consiste à passer d’une approche BtoC à une approche BtoB, en mettant à disposition des tiers les infrastructures et les services de la banque, renonçant au passage au contact direct avec la clientèle sur ce créneau des services ultra-personnalisés ;
- le modèle « Supplier » : cette approche consiste à déléguer la distribution des produits de la banque à des tiers ;
- le modèle « Interface » : contrairement à la stratégie « Supplier », la banque va plutôt s’atteler à distribuer les produits des tiers en mettant en place une interface qui leur est accessible.
Les banques sont donc à la croisée des chemins sur ce besoin. Soit elles estiment qu’elles doivent contrôler toutes les étapes de production et de distribution de ces services, avec ce que cela implique en matière d’investissement, de ressources supplémentaires et d’acquisition de savoir-faire, soit elles se recentrent sur leur cœur de métier historique pour consolider leur légitimité. En somme, la bancassurance est appelée à innover dans un champ d’incertitude et d’expérimentation… une compétence que l’ESAM a pris soin d’intégrer à son MBA Spécialisé « Digital Project, Consulting and Innovation » ! Basée sur l’approche du Learning by doing, cette formation complémentaire prépare aux métiers de chef de projet de la transformation digital, de chef de projet innovation, de consultant en stratégie et transformation digitale ou encore de consultant en organisation.
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