Course à l'attractivité : Berlin défie Paris sur le terrain financier
Le gouvernement allemand s'apprête à présenter, cet automne, un projet de loi destiné à renforcer la compétitivité et l'attractivité de la place financière du pays. Parmi les dispositions envisagées figure un assouplissement des réglementations relatives au licenciement des cadres aux rémunérations élevées.
L’Allemagne réaffirme sa compétitivité financière face à Paris. Trois mois après l’adoption par l’Assemblée nationale française de la loi visant à renforcer le financement des entreprises et l’attractivité de la France, le gouvernement allemand réagit avec un projet de loi visant à réduire l’écart en matière de droit du travail pour les « preneurs de risque ».
L’initiative nommée « Zukunftsfinanzierungsgesetz », deuxième volet d’une loi adoptée l’an dernier, est actuellement en phase de consultation avec les Länder et les fédérations professionnelles, jusqu'à mi-septembre. Ce texte s'inscrit dans une initiative plus large en faveur de la croissance et sera présenté cet automne.
Cette démarche intervient alors que le nouveau gouvernement britannique, dirigé par le Labour, entend renforcer la City après les difficultés post-Brexit. Elle fait suite à la victoire de Francfort sur Paris dans la course pour accueillir le siège de la nouvelle Agence européenne de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AMLA).
« Preneurs de risques »
Le projet de loi, véritable document exhaustif de plus de 200 pages dont « Les Echos » ont obtenu une copie, ambitionne de « renforcer la compétitivité et l'attractivité de la place financière allemande », en mettant un accent particulier sur l'amélioration des opportunités de financement pour les entreprises jeunes et innovantes. Il vise également à optimiser le cadre fiscal des investissements dans les infrastructures.
Parmi les mesures proposées figurent la possibilité de publier des prospectus financiers en anglais, un assouplissement des règles d'investissement dans les énergies renouvelables et le capital-risque, ainsi qu'une réduction des obligations déclaratives auprès du régulateur financier BaFin. « Ces propositions allégeront la charge pesant sur le secteur financier et sur la BaFin », a résumé une porte-parole du ministère des Finances.
Le projet de loi introduit également une mesure clé pour les acteurs internationaux de la finance : l'assouplissement des règles de licenciement pour les employés à hauts revenus. Actuellement, seules les banques systémiques sont concernées, mais le texte étend cette disposition aux banques non systémiques, compagnies d'assurances, sociétés de courtage et de gestion d'actifs.
« Cette réforme renforcera la compétitivité de la place financière allemande face à d'autres centres européens moins contraints par ce type de régulations », admet-on au ministère des Finances, en visant notamment Paris. Pour les salariés dont les revenus annuels dépassent 290 000 euros, la rupture du contrat de travail pourra désormais intervenir sans nécessité de justifier un motif précis.
Paris s'aligne
La nouvelle loi élargit et clarifie également le cadre des licenciements, selon Hubertus Väth, directeur de Frankfurt Main Finance, l'organisme chargé de promouvoir la place financière allemande. Jusqu'à présent, un employé contestataire pouvait obtenir le droit de réintégrer son poste après un licenciement, ce qui, selon Väth, est une spécificité allemande peu compréhensible à l'international.
Bien que cette réforme ne concerne qu'un nombre restreint de cas, elle témoigne de la volonté de Berlin de ne pas se laisser distancer par d'autres capitales européennes. « Il s'agit avant tout d'une mise en conformité avec les pratiques en vigueur dans d'autres pays européens », souligne Christoph Schalast, professeur à la Frankfurt School of Finance & Management, pour qui cette mesure n’est pas un critère déterminant.
À l'heure où la loi française sur l'attractivité introduit un plafonnement des indemnités de licenciement pour les hauts salaires, de telles réformes sont scrutées de près par les grands acteurs financiers internationaux. Vu depuis New York ou Londres, ces ajustements peuvent s’avérer décisifs lorsqu’il s’agit de relocaliser des activités ou d’attirer des talents dans la zone euro.
Depuis le vote du Brexit en 2016 jusqu'à la mi-2023, Francfort a attiré 2.000 milliards d'euros d'actifs et créé 7.000 emplois, avec 60 établissements financiers renforçant ou ouvrant leurs bureaux dans la ville, selon Hubertus Väth. Il ajoute que Paris et Francfort, loin de se concurrencer directement, se complètent : Paris attire davantage de traders, tandis que Francfort se spécialise dans les arrangeurs de crédits.
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