




Singapour : la finance en déclin

Longtemps perçue comme un havre de stabilité économique en Asie, Singapour fait aujourd’hui face à une double menace : la montée en puissance de l’intelligence artificielle et la délocalisation croissante de ses emplois financiers vers des marchés à moindres coûts. Pendant ce temps, Hong Kong, affaiblie pendant la pandémie, reprend des couleurs, portée par des flux massifs de capitaux chinois et un regain d’activité sur les marchés. La bataille des hubs financiers asiatiques entre Singapour et Hong Kong est en train de basculer.
Singapour perd du terrain face au réveil de Hong Kong
Au plus fort de la crise sanitaire, Singapour attirait les talents financiers venus d’un Hong Kong paralysé par les restrictions et l’instabilité. Les banquiers se relocalisaient massivement, les entreprises suivaient. Mais en 2024, la tendance s’est inversée : Singapour ralentit, tandis que Hong Kong reprend vigueur, grâce à une reprise économique solide et une attractivité renouvelée pour les acteurs financiers.
La délocalisation vers la Malaisie fragilise les fonctions support
Selon Loretta Chan, directrice d’Amethyst Partners, les entreprises financières installées à Singapour déplacent progressivement leurs opérations vers des pays voisins, notamment la Malaisie. En cause : la hausse des salaires locaux et des règles de plus en plus strictes sur les visas. Les fonctions les plus touchées sont celles du middle et back-office, en particulier les postes juniors et intermédiaires, devenus trop coûteux localement.
L’Inde devient un hub de substitution pour les grandes banques
Outre la Malaisie, l’Inde émerge comme un autre grand bénéficiaire de la délocalisation des fonctions support. Standard Chartered a récemment supprimé 80 postes à Singapour après avoir transféré certaines tâches vers l’Inde. La banque DBS, elle, recrute davantage en Inde qu’à Singapour pour ses équipes produits et opérations, illustrant un recentrage net vers des marchés plus rentables.
Le marché de l’emploi devient ultra-sélectif à Singapour
Cette tendance se reflète dans un climat de recrutement devenu frileux. Un rapport de Kelly Consulting souligne que chaque nouveau recrutement est passé au crible pour s'assurer de sa performance et de sa rentabilité. Les employeurs se montrent extrêmement prudents, signalant un essoufflement du dynamisme qui faisait la force de Singapour après la pandémie.
L’IA accélère la disparition des postes qualifiés
Mais la délocalisation n’est pas le seul danger : l’automatisation et l’IA représentent une menace croissante pour l’emploi financier à Singapour. DBS a annoncé la suppression de 4 000 postes temporaires liés à des projets, remplacés progressivement par des systèmes automatisés. Les métiers historiquement robustes à Singapour — gestion des risques, contrôle produit — sont désormais en première ligne face à la vague technologique.
Le gouvernement tente de limiter les dégâts sociaux et économiques
Face à ces bouleversements, les autorités singapouriennes réagissent. Le vice-Premier ministre Gan Kim Yong a annoncé une collaboration avec six grandes banques pour identifier les emplois menacés par l’IA et mettre en place des programmes de reconversion pour les salariés concernés. Le message est clair : Singapour doit innover pour ne pas décrocher dans la compétition mondiale.
À Hong Kong, le capital afflue et les emplois repartent à la hausse
À l’inverse, Hong Kong tire profit d’un contexte économique porteur. Le Financial Times rapporte que les capitaux en provenance de Chine ont déjà dépassé les niveaux de 2024, entraînant une flambée des actions hongkongaises. Cette dynamique stimule non seulement les fonctions de front-office (vente, trading), mais aussi les recrutements bancaires. Les IPOs s’accélèrent, attirant un mélange d’investisseurs asiatiques et internationaux. Hong Kong redevient un aimant pour les talents et les flux financiers.
Conclusion
La redistribution des cartes dans la finance asiatique est bien engagée. Singapour, fragilisée par l’IA, les coûts et la délocalisation, doit désormais réinventer son modèle pour conserver sa position de leader régional. Hong Kong, à l’inverse, renaît en pôle financier attractif, profitant à plein des investissements chinois et d’un regain d’intérêt mondial. Le centre de gravité de la finance asiatique pourrait bien être en train de basculer.
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