




L'Italie séduit le private equity

Alors que Londres perd de son aura depuis le Brexit, Milan s’impose comme une nouvelle étoile montante de la finance européenne. La capitale lombarde, portée par une fiscalité attractive, un cadre de vie envié et un tissu entrepreneurial solide, séduit de plus en plus les grandes fortunes et les investisseurs internationaux. Avec une ambition claire : devenir un pôle central du private equity et du venture capital sur le continent.
Milan, nouvelle prétendante au trône du capital-investissement
Longtemps considérée comme une place financière de second plan, Milan affiche désormais ses ambitions de rivaliser avec les grandes métropoles européennes du capital-investissement. Cette montée en puissance est alimentée par un contexte favorable : le Brexit a affaibli l’attractivité de Londres, et l’Italie a su capitaliser sur cet effet d’aubaine. À cela s’ajoutent une politique fiscale avantageuse et l’attrait croissant pour le style de vie italien, qui renforcent l’image d’une ville capable d’attirer des profils de haut niveau dans le private equity et le venture capital.
La fin du régime « non-dom » provoque un exode de Londres
Le tournant fiscal opéré par le gouvernement travailliste britannique en avril 2025 a profondément modifié l’équilibre européen. L’abandon du régime « non-dom », qui permettait aux résidents étrangers de ne pas être imposés sur leurs revenus et actifs à l’étranger pendant 15 ans, a mis fin à un avantage clé de la City. Cette réforme a provoqué ce que certains qualifient d’« exode » : des figures du monde financier, comme Rolly van Rappard de CVC Capital Partners, envisagent de quitter Londres, tandis que des géants bancaires comme Goldman Sachs et JPMorgan renforcent leurs équipes à Milan. D’autres grands noms, comme Nassef Sawiris ou Richard Gnodde, ont aussi choisi la péninsule.
L’Italie déroule le tapis rouge aux ultra-riches
L’Italie, anticipant cette dynamique, a introduit dès 2017 un régime fiscal sur mesure pour attirer les grandes fortunes, inspiré du système britannique déchu. Moyennant un impôt forfaitaire de 100.000 euros par an — doublé récemment à 200.000 euros — les nouveaux résidents fortunés peuvent bénéficier d’une exonération sur leurs revenus étrangers pendant quinze ans. Cette mesure, qui reste compétitive malgré sa hausse, peut aussi s’étendre à leurs proches pour 25.000 euros supplémentaires par personne. En tout, environ 1.200 « super-riches » se sont installés en Italie depuis l’instauration de ce régime, témoignant de son succès.
La qualité de vie milanaise séduit les professionnels de la finance
Mais l’attrait de Milan ne se limite pas à l’optimisation fiscale. Le cadre de vie joue un rôle majeur dans cette reconfiguration géographique. L’instabilité politique britannique, les effets du Brexit et les bouleversements post-Covid ont poussé de nombreux professionnels, notamment italiens expatriés à Londres, à revenir dans leur pays d’origine. Alessandro Belluzzo, à la tête de Belluzzo International Partners, souligne que cette tendance était déjà en marche avant 2025. Milan séduit aussi par son identité : une métropole dynamique, connectée, mais à taille humaine, où il est désormais possible de concilier carrière internationale et qualité de vie.
Des entreprises transalpines qui attisent l’appétit des fonds
Le véritable moteur de cette ruée vers l’Italie réside dans la solidité de son tissu économique. Les fonds de private equity sont attirés par le dynamisme des PME et ETI italiennes, notamment dans le marché intermédiaire. Selon Anna Gervasoni, directrice générale de l’AIFI, la fiscalité reste un levier utile, mais ce sont surtout les opportunités de croissance des entreprises qui font la différence. L’Italie a été, en 2024, le pays européen connaissant la plus forte progression du secteur, et les prévisions pour 2025 confirment une tendance haussière durable. Les entreprises détenues par des fonds affichent une santé impressionnante : un EBITDA moyen de 24 millions d’euros, en hausse de 13 % par an depuis 2019.
Milan concentre la majorité des investissements en private equity
La région de Milan, et plus largement la Lombardie, concentre 44 % de tous les investissements italiens en capital-investissement et capital-risque, preuve de sa centralité stratégique. C’est dans ce contexte qu’Eurazeo a décidé d’y ouvrir un nouveau bureau. L’acteur français du private equity y a déjà investi plus de 2 milliards d’euros depuis 2006, soutenant plus de 50 entreprises, dont Moncler, l’une de ses réussites phares. Pour Eurazeo, Milan est devenue incontournable : un marché mature, en croissance rapide, avec une demande croissante de financements directs et de solutions sur mesure — particulièrement propice à l’approche « buy-and-build ».
Conclusion
Milan ne remplacera pas la City de Londres du jour au lendemain, mais elle s’impose comme un complément stratégique, un pôle en pleine ascension dans l’écosystème financier européen. Forte d’une fiscalité incitative, d’un vivier d’entreprises solides et d’une qualité de vie rare, elle incarne un nouveau modèle d’attractivité pour les investisseurs. Dans une Europe post-Brexit fragmentée, Milan s'affirme comme l’un des visages les plus séduisants du capital-investissement de demain.
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