Législatives : la Bourse partagée entre soulagement et incertitude
Le lendemain des résultats des élections législatives de 2024 en France, les marchés financiers affichent une réaction mitigée. Si le risque d'une majorité absolue pour le Rassemblement National (RN) a été écarté, la composition de la nouvelle Assemblée nationale ne rassure guère les investisseurs. Dans un climat de volatilité accrue, le CAC 40 peine à trouver une direction claire, illustrant l'incertitude qui plane sur l'avenir politique et économique du pays.
Une ouverture dans le rouge avant une modeste reprise
La Bourse de Paris a montré des signes de nervosité dès l'ouverture du marché le lendemain des législatives. Le CAC 40 a débuté la séance en baisse de 0,49 % avant de récupérer légèrement pour afficher une hausse modeste de 0,22 %. Cette performance hésitante reflète les préoccupations des investisseurs face à l'instabilité politique.
Depuis l'annonce surprise de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin, l'indice parisien a reculé de 4 %. Ce mouvement baissier témoigne de la prudence des marchés face aux incertitudes économiques et politiques. La dissolution a introduit un climat d'incertitude qui n'a pas été entièrement dissipé par les résultats des législatives.
Une prime de risque en évolution
L'un des indicateurs suivis de près par les investisseurs est le "spread", ou la prime de risque exigée pour détenir de la dette française à 10 ans par rapport à la dette allemande. Avant l'annonce de la dissolution, cet écart de taux était de 47 points de base (pb). Fin juin, avant le premier tour, il avait atteint plus de 85 pb, un niveau record depuis 2012. À l'issue du second tour, le spread s'est réduit à environ 65 pb, mais reste bien au-dessus de son niveau antérieur.
Cette persistance d'une prime de risque élevée traduit les craintes des investisseurs quant à la stabilité économique de la France. Une Assemblée nationale sans majorité absolue pourrait compliquer la mise en œuvre de politiques budgétaires cohérentes et retarder les réformes nécessaires pour assainir les finances publiques.
Un parlement fragmenté
Les résultats des élections législatives ont révélé un Parlement fragmenté, sans majorité absolue. Le Nouveau Front Populaire (NFP), alliance de gauche, a remporté 182 sièges, devenant ainsi la première force de la chambre basse, mais loin des 289 sièges nécessaires pour une majorité absolue. Le camp présidentiel, "Ensemble pour la République", a obtenu 168 sièges, tandis que le RN et ses alliés, initialement favoris dans les sondages, se sont adjugés la troisième place avec 143 sièges.
Cette fragmentation accentue les craintes d'une gouvernance difficile. Les investisseurs redoutent un blocage législatif qui pourrait entraver les décisions économiques cruciales et prolonger l'incertitude politique. Les tractations pour la nomination du prochain Premier ministre, déjà entamées, ajoutent une couche de complexité à la situation.
La peur d'un pays ingouvernable
L'un des principaux sujets de préoccupation est la crainte d'une France ingouvernable. Sans majorité claire, l'Assemblée nationale risque de devenir un champ de bataille politique, où les compromis seront difficiles à atteindre. Cette perspective inquiète les investisseurs, qui anticipent une volatilité accrue sur les marchés financiers.
Le chef économiste d'Oddo BHF, Bruno Cavalier, souligne que la dissolution de l'Assemblée a introduit un risque politique durable. Selon lui, la prime de risque française pourrait même augmenter si le processus budgétaire prend du retard ou si les orientations politiques choisies éloignent la France d'une trajectoire crédible de redressement des comptes publics.
Perspectives économiques mondiales et influence des États-Unis
L'incertitude politique en France s'inscrit dans un contexte économique mondial également marqué par la prudence. Les investisseurs attendent avec intérêt la publication de plusieurs indicateurs économiques clés aux États-Unis dans les jours à venir. Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, doit s'exprimer devant les deux chambres du Congrès mardi et mercredi. Ses déclarations pourraient fournir des indices sur l'orientation future de la politique monétaire américaine, alors que les derniers chiffres de l'emploi suggèrent un ralentissement du marché du travail.
Powell devra probablement adopter un ton prudent, en particulier à l'approche de la publication des chiffres de l'inflation CPI de juin, prévue pour jeudi. Les investisseurs mondiaux resteront attentifs à ces données, qui pourraient influencer les marchés financiers internationaux et, par ricochet, les marchés européens.
Les résultats des législatives de 2024 en France ont plongé le pays dans une nouvelle ère d'incertitude politique. Bien que le CAC 40 ait montré une légère reprise après une ouverture en baisse, les marchés financiers restent inquiets quant à l'avenir économique du pays. La fragmentation du Parlement et l'absence de majorité absolue accentuent les craintes d'une gouvernance difficile et d'un blocage législatif. Cette situation, combinée à une prime de risque élevée et à des perspectives économiques mondiales incertaines, promet de maintenir une volatilité élevée sur les marchés financiers à court terme. Les investisseurs devront naviguer prudemment dans ce paysage complexe, en surveillant de près les évolutions politiques et économiques en France et à l'international.
- Vues86