




Les banquiers français nagent dans des millions

Le paysage bancaire français est en pleine effervescence. Jamais autant de financiers n'ont franchi la barre symbolique du million d'euros de rémunération. En 2024, BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et Natixis ont pulvérisé les compteurs, dopés par des résultats records en banque d’investissement. Ce phénomène soulève autant de fascination que d’inquiétude, tant la concurrence internationale et les cadres réglementaires divergent. Décryptage d’un mouvement qui redessine l'équilibre du secteur financier européen.
Record absolu de banquiers millionnaires
Les banques françaises affichent un bond spectaculaire du nombre de leurs banquiers millionnaires : 734 en 2024, soit 128 de plus en un an. BNP Paribas est en tête avec 439 rémunérations à sept chiffres, devant Société Générale (191), Crédit Agricole (59) et Natixis (45). Ce total est 2,5 fois supérieur à celui de 2014, illustrant une décennie de forte croissance dans les métiers de la finance de marché.
Des bonus colossaux dopés par la volatilité
Plus de 1,3 milliard d’euros de bonus ont été versés aux preneurs de risque des quatre grandes banques françaises, dont une écrasante majorité pour la banque d’investissement. La volatilité induite par la guerre commerciale a généré d’importantes marges de manœuvre, alimentant des rémunérations variables sans précédent. Et la tendance pourrait bien se prolonger en 2025.
Des performances opérationnelles qui soutiennent la dynamique
Les résultats financiers justifient en grande partie cette générosité. BNP Paribas a vu son bénéfice avant impôts grimper de 16,2 % dans sa banque d’investissement. Société Générale a dépassé les 10 milliards d’euros de revenus en grande clientèle, tandis que Crédit Agricole (+6,5 %) et Natixis (+6,6 %) ont également connu une croissance soutenue. Des performances solides qui renforcent la compétitivité des établissements français.
Des talents de plus en plus localisés à l’international
Parmi les millionnaires, 534 sont basés hors de France, un chiffre révélateur de l’expansion mondiale des activités bancaires françaises. Pourtant, même en cumul, les quatre banques tricolores restent derrière la seule Barclays, qui compte 762 banquiers millionnaires. La compétition est rude, et l’attractivité de la place de Paris reste bridée par la régulation européenne.
Londres libère les bonus et creuse l’écart
Outre-Manche, la suppression du plafond sur les bonus change la donne. À Londres, les variables peuvent atteindre jusqu’à 10 fois le salaire fixe (et même 25 fois chez Goldman Sachs). En comparaison, BNP Paribas ou Société Générale plafonnent autour de 1,3 fois. Des écarts qui font peser un vrai risque de fuite des talents vers les établissements anglo-saxons.
L’Europe à la croisée des chemins réglementaires
Face à cette désynchronisation croissante, l’Europe est confrontée à un dilemme. Aux Pays-Bas, où les restrictions sont encore plus strictes, le ministre des Finances envisage un assouplissement ciblé pour certains profils techniques, au nom de la cyberrésilience. Une potentielle ouverture qui montre que même les modèles les plus rigides doivent s’adapter à la réalité du marché global.
Conclusion
La flambée des rémunérations dans la finance française n’est pas qu’un épiphénomène : elle incarne une guerre des talents mondiale où les règles ne sont plus les mêmes pour tous. Si les banques tricolores veulent rester dans la course face aux géants anglo-saxons, l’Europe devra réconcilier ambition économique et cadre réglementaire. Faute de quoi, les cerveaux risquent de suivre les bonus là où ils sont les plus hauts.
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