




M&A : contre une police européenne de surveillance

Alors que la Commission européenne tente d'étendre ses pouvoirs de contrôle sur les investissements étrangers, les États membres campent sur leurs positions. En toile de fond, une recrudescence d’opérations sensibles, comme celle autour de Nord Stream 2, ravive les tensions sur la souveraineté économique de l’Union.
Les États refusent une ingérence de Bruxelles dans leurs contrôles
Les Vingt-Sept rejettent catégoriquement l’idée que la Commission européenne ou des pays tiers puissent imposer une surveillance ou une justification dans leurs décisions en matière de rachats étrangers. Cette résistance se cristallise autour de la réforme en cours sur le contrôle des investissements étrangers, que plusieurs États jugent intrusif et incompatible avec leur souveraineté nationale.
Berlin durcit le ton pour protéger ses infrastructures stratégiques
Dans ce contexte, l’Allemagne annonce un durcissement de ses règles de contrôle pour protéger le gazoduc Nord Stream 2 d’une possible prise de contrôle américaine. Ce réflexe protectionniste rappelle les critiques européennes sur le précédent Cosco : la vente partielle du port de Hambourg à la Chine avait été perçue comme un manque de vigilance stratégique de la part de Berlin.
Le Parlement européen pousse pour un pouvoir d’arbitrage de Bruxelles
Emmenés par Raphaël Glucksmann, les députés européens veulent renforcer le rôle de la Commission : elle devrait pouvoir imposer son avis même sans l'accord de l’État membre concerné si la sécurité européenne est en jeu. Ce serait un changement radical, avec des conséquences directes pour des pays comme la France et l’Allemagne, susceptibles de se faire recadrer.
Les acquisitions chinoises en Europe reprennent de la vigueur
Les investissements chinois en Europe, après un pic massif en 2016 à plus de 75 milliards de dollars, repartent discrètement à la hausse, notamment en Hongrie et en France. Malgré un net recul global depuis 2018, les opérations chinoises dans l’UE (2,43 Mds $ en juin 2025) restent plus actives que celles aux États-Unis (1,23 Md $), dans un contexte géopolitique tendu.
Les États dénoncent un dispositif trop intrusif et irréaliste
Les gouvernements dénoncent une réforme « irréaliste », notamment la proposition de devoir justifier leurs décisions, parfois fondées sur des informations classifiées. Ils craignent des procédures bureaucratiques sans fin. Certains interlocuteurs regrettent cependant que les États ne soient pas capables d’anticiper des menaces en dehors de leurs frontières.
Des points d’accord émergent malgré tout dans les négociations
Les États membres ont néanmoins accepté certains points : le contrôle obligatoire des acquisitions étrangères, à l’exception de Chypre, et l’inclusion des bénéficiaires effectifs étrangers dans les filtres. Bruxelles recense aujourd’hui plus de 30.000 entreprises à capitaux russes et 49.300 chinoises opérant en Europe via des entités locales.
Des visions opposées sur les secteurs à protéger
Le Parlement veut élargir le champ du contrôle à des secteurs sensibles comme les médias ou les infrastructures électorales. Les États, eux, souhaitent rester concentrés sur les domaines militaires, les biens à double usage et les technologies critiques. Ce désaccord promet des négociations complexes, alors que les fusions-acquisitions transatlantiques restent massives : 64,27 Mds $ d’opérations américaines en Europe contre 61,47 Mds $ d’européennes aux États-Unis.
Conclusion : Bruxelles avance, mais les États freinent
La Commission européenne tente d’instaurer une politique commune de vigilance face aux appétits étrangers, mais les États préfèrent garder la main. Malgré quelques avancées, les grandes puissances de l’UE continuent de traiter les questions de sécurité économique à l’échelle nationale, même au prix de certaines incohérences stratégiques.
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