Mesure de plafonnement des indemnités de licenciement jugé incomplète par les banques US
Le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif, instauré par la récente loi française visant à renforcer l'attractivité financière, a suscité la déception des grandes banques américaines, pourtant courtisées par le président Emmanuel Macron.
Alors que Londres supprime le plafond des bonus dans un contexte de dérégulation financière intense et que Francfort dévoile son propre plan pour attirer les acteurs financiers, l'attrait de Paris semble s'affaiblir. Les banques de Wall Street n'ont pas obtenu pleine satisfaction quant à leur demande adressée à Bercy, relayée par les parlementaires, de limiter les indemnités versées aux banquiers licenciés sans cause réelle ni sérieuse.
« Les banques américaines sont relativement déçues », déclare Lionel Vuidard, associé chez Linklaters à Paris. « Depuis le Brexit, Paris avait véritablement renforcé sa compétitivité en tant que place financière. Les indemnités de rupture constituaient l'un des deux points restant à améliorer, avec le coût des cotisations sociales. » Cependant, il estime que l'impact de la mesure, entrée en vigueur le 14 juin, sera « limité ».
En outre, l'effervescence politique provoquée par la dissolution estivale a contribué à affaiblir l'élan dont bénéficiait la capitale française. « La concurrence entre les places financières est acharnée, chaque détail compte », souligne un dirigeant d'un établissement anglo-saxon. « Il sera nécessaire de redoubler d'efforts pour maintenir la dynamique très favorable dont jouit Paris depuis cinq à sept ans.
« Marché judiciaire »
La réforme espérée sur les coûts de licenciement abusif constituait un enjeu crucial pour les états-majors des grandes banques de Wall Street, fortement courtisées par Emmanuel Macron et ayant transféré la majorité des 5 500 emplois vers la France après le Brexit. « Les salariés peuvent choisir de porter leur affaire devant les juridictions européennes, lorsque leur situation contractuelle le permet », souligne Olivier Picquerey, avocat chez A&O Shearman. À cet égard, Paris reste un cadre bien plus protecteur pour les employés par rapport à Londres.
Un exemple illustratif est celui de Bertrand Lavigne, responsable de trading de taux chez BNP Paribas à Londres, qui a obtenu gain de cause à Paris en 2019 avec une indemnité pour licenciement abusif de 4,5 millions d'euros (comprenant 2,8 millions pour l'indemnité de licenciement et 1,77 million pour des bonus différés non versés), contre seulement 81 175 livres devant un tribunal londonien, en raison d'un plafonnement. Au printemps dernier, dix ans après son licenciement, la justice européenne l’a cependant contraint à restituer l’indemnité obtenue en France, en raison de la décision de la cour de Londres.
Malgré l'introduction récente d'un plafond en France, celui-ci ne devrait pas avoir un impact significatif pour les banques. Olivier Picquerey précise : « Bien que ce ne soit pas la réforme attendue, elle offre un peu plus de prévisibilité aux employeurs bancaires. » Aller au-delà de cette mesure aurait d'ailleurs risqué une censure du Conseil d’État.
Il est important de noter que ce plafond ne s’applique pas au montant total des indemnités, contrairement à ce que les banques espéraient, mais concerne le salaire mensuel de référence utilisé pour le calcul en fonction de l’ancienneté (le barème Macron). Ce salaire mensuel de référence a été fixé au niveau du PASS (Plafond Annuel de la Sécurité sociale), soit 46 368 euros.
Plafond élevé
« Ce plafond du salaire mensuel de référence est relativement élevé. Dans de nombreux cas, les preneurs de risque ne perçoivent pas une rémunération de base aussi élevée », observe Alice Klein, avocate chez Linklaters. Le plafond devient donc inopérant. En effet, dans des dossiers récents, les banquiers concernés avaient des salaires annuels de 200 000 à 300 000 euros, soit moins de 21 000 euros par mois. Le cœur de leur rémunération repose principalement sur les primes variables.
Ainsi, un salarié avec trente ans d’ancienneté pourrait percevoir une indemnité maximale de 927 360 euros. Cependant, les banques américaines à Paris plaidaient pour un plafonnement en valeur absolue à 460 368 euros, soit dix fois le Plafond Annuel de la Sécurité sociale (PASS). À Londres, la limite est fixée à un peu plus de 115 000 livres.
Pour les banques, la mesure ne deviendra réellement intéressante que si le salaire de base mensuel dépasse le plafond de 46 368 euros et après plus de dix ans d’ancienneté.
Un autre motif de déception réside dans le champ d'application de la mesure, jugé trop restreint. Elle ne concerne que les traders dits « preneurs de risque » selon la réglementation européenne. « Cela représente une faible proportion des employés des banques d’investissement, et ils ne sont pas nécessairement mieux rémunérés que les autres », explique Alice Klein.
En 2023, au sein de la banque d’investissement en Europe, il n'y avait que 193 preneurs de risque chez JP Morgan, 130 chez Goldman Sachs, 86 chez Morgan Stanley et 84 chez Bank of America, selon leurs rapports financiers.
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