






Scandale financier depuis un lit d’hôpital

Une affaire rocambolesque mêlant Bourse, relations intimes et opioïdes a conduit à la condamnation de quatre personnes pour délit d’initié par l’Autorité des marchés financiers (AMF), autour de la biotech française Lysogene.
Un échange codé aux airs de roman noir
Derrière une conversation sur WhatsApp à première vue anodine, truffée d’expressions codées comme « on parle de villa » ou « pas de mot comme Bourse », les enquêteurs de l’AMF ont perçu une tentative évidente de cacher des recommandations boursières illégales. Les échanges, ponctués de références à une prise de morphine et à un certain « BB », montrent que les protagonistes savaient manipuler les mots pour contourner la loi tout en orchestrant leurs achats d’actions.
Des informations confidentielles cruciales
Le point de départ de l’affaire remonte au 10 février 2021, lorsque Lysogene apprend qu’elle obtient l’aval de la FDA pour lancer les essais cliniques de son traitement contre une grave maladie pédiatrique. Cette nouvelle, à fort potentiel boursier, est classée comme « information privilégiée » dès 19 h. Pourtant, elle ne sera rendue publique que le 12 février à 8 h, laissant une fenêtre de 36 heures pour ceux qui détenaient cette information de l’utiliser à leur avantage.
L’ex-patronne impliquée personnellement
Karen Pignet-Aiach, directrice générale de Lysogene au moment des faits, est accusée d’avoir transmis cette donnée confidentielle à son ex-mari, Gad Aiach, avec qui elle avait cofondé l’entreprise. Bien que séparés, leur proximité reste évidente et se double d’un lien intime à cette période. Les juges estiment qu’elle a trahi son devoir de confidentialité, ce qui lui vaut une amende de 150.000 euros infligée par la commission des sanctions de l’AMF.
Gad Aiach, personnage central du scandale
Bien qu’il n’occupait plus aucune fonction officielle au sein de Lysogene, Gad Aiach a agi comme s’il détenait les pleins pouvoirs : il achète, dès le 11 février, pour 222.000 euros d’actions, soit 65.000 titres. Il les revend quelques jours plus tard, réalisant une plus-value de 36.000 euros. Ce comportement opportuniste, basé sur une information non publique, constitue l’exemple type du délit d’initié, ce qui explique l’amende particulièrement lourde de 400.000 euros prononcée à son encontre.
Des transactions sous morphine et sous silence
L’enquête met au jour une série d’éléments accablants : Gad Aiach agit dans l’heure qui suit sa conversation avec son ex-femme, depuis un lit d’hôpital où il est alité sous morphine. Il passe ses ordres d’achat avant même que les marchés ne rouvrent, preuve de sa hâte. L’usage de l’application Signal — qui permet la suppression automatique des messages — renforce l’idée d’une volonté délibérée de dissimuler les traces, même si le couple justifie cet usage par le souhait de cacher leur relation intime à leur entourage.
Propagation du secret à l’entourage
Gad Aiach ne se contente pas d’agir pour lui-même : il tente d’impliquer son entourage. Il recommande à sa nouvelle compagne d’acheter des actions, ce qu’elle ne fera pas, mais surtout transmet l’information à un proche, Michaël Chetrit. Celui-ci passe à l’action via sa société Mikostart, ce qui lui vaut une amende personnelle de 50.000 euros et une amende de 100.000 euros pour son entreprise. Ce relais d’information illustre bien l’effet en cascade d’un délit d’initié mal contenu.
Conclusion
Malgré des sanctions finalement réduites à 700.000 euros, bien en deçà des 1,4 million initialement requis, l’AMF envoie un signal fort : aucune relation personnelle, aucune ruse langagière ou appui technologique ne saurait excuser l’exploitation d’informations confidentielles pour un gain boursier. Cette affaire montre que la finance peut parfois avoir des accents de polar, mais la justice, elle, ne se laisse pas distraire.
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