




Une fausse crise pour éviter la vraie

Dans un contexte où les secousses bancaires internationales rappellent la fragilité du système financier, l’Union bancaire européenne passe à l’action préventive. Le Conseil de résolution unique (CRU) va orchestrer dans les prochains jours une simulation confidentielle de la faillite d’une banque systémique. L’objectif ? Tester l’efficacité et la coordination des autorités en cas de tempête bancaire mondiale.
Une simulation de crise bancaire d’ampleur inédite
Un exercice grandeur nature va mobiliser les autorités européennes, américaines et britanniques autour d’un scénario fictif mais plausible : la faillite d’un géant bancaire aux ramifications internationales. Ce « dry run », conduit dans le plus grand secret par le CRU, ne concerne pas une vraie banque, mais un cas d’école complexe destiné à confronter les décideurs à une situation extrême. Ce n’est pas un jeu de rôles, mais un entraînement de crise à haute intensité.
Un exercice pour muscler la réactivité des autorités
Le but de cet exercice annuel n’est pas seulement théorique : il s’agit de tester dans des conditions réalistes la réactivité, la coordination et la solidité des mécanismes de résolution de crise. Les parties prenantes ne reçoivent le scénario qu’au dernier moment, pour maximiser l’effet de surprise. Dominique Laboureix, président du CRU depuis janvier 2023, insiste : ces tests visent à « savoir ce qu’on fait si la prochaine crise arrive ».
Un test centré sur les autorités, et non sur les banques
Contrairement aux stress tests pilotés par la BCE et impliquant directement les banques, ici, ce sont les autorités elles-mêmes qui sont sur la sellette. L’exercice implique la présence physique ou virtuelle de responsables britanniques et américains à Bruxelles. Il met à l’épreuve la capacité à réagir rapidement, malgré les décalages horaires ou les obstacles logistiques : trouver les bons contacts, organiser des appels d’urgence en pleine nuit, notamment avec Washington ou New York.
Une leçon tirée des crises récentes
L’exercice tire ses racines de la réalité : les faillites récentes de la Silicon Valley Bank et du Credit Suisse ont démontré à quel point les crises bancaires peuvent être soudaines et contagieuses. Les enseignements tirés de ce test ne seront pas publiés, mais ils serviront à renforcer les mécanismes existants pour être mieux armés lorsque la prochaine crise éclatera réellement.
Le rôle stratégique du CRU dans l’Union bancaire
Créé en 2015 à la suite de la crise de 2008, le Conseil de résolution unique a pour mission de garantir la résolution ordonnée des banques défaillantes dans les 21 pays de l’Union bancaire (la zone euro et la Bulgarie). Il agit de concert avec la BCE, qui assure la supervision. Les normes internationales, quant à elles, sont négociées au Comité de Bâle et au Conseil de stabilité financière (FSB), garantissant une approche cohérente à l’échelle mondiale.
Des outils de résolution déjà bien rodés
Le CRU impose aux banques de se préparer à leur propre résolution en élaborant des plans détaillés, qui peuvent inclure des cessions d’actifs. Les établissements doivent fournir régulièrement des données financières, des fichiers clients et des relevés de passifs. En cas de crise, un « bail in » peut être activé, impliquant actionnaires et créanciers dans le sauvetage, pour éviter d’utiliser l’argent public tout en préservant les fonctions essentielles.
Conclusion
Le CRU dispose d’un levier financier majeur : le Fonds de résolution unique (FRU), doté de 80 milliards d’euros, financé par les banques. Ce fonds permet de prêter, garantir ou compenser, mais pas de recapitaliser directement. En près de dix ans, le CRU n’est intervenu que deux fois : lors de la chute de Banco Popular en 2017 et de Sberbank Europe en 2022. Une rareté qui, loin de signifier l’inutilité de l’institution, témoigne au contraire de la solidité du dispositif préventif européen. Pour Dominique Laboureix, moins il y a de crises, plus le système fonctionne.
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