La révolution technologique des géants de la gestion d'actifs
Les gestionnaires d'actifs, traditionnellement connus pour leur expertise dans la gestion de portefeuilles financiers, se réinventent en véritables acteurs technologiques. BlackRock et Amundi, deux géants du secteur, ont investi massivement dans des solutions technologiques qu'ils commercialisent aujourd'hui auprès d'autres gestionnaires d'actifs, banques et dépositaires. Cette stratégie novatrice, qui nécessite d'importants investissements, pourrait également attirer des acteurs comme Natixis dans un avenir proche.
L'émergence des plateformes technologiques
BlackRock et Amundi en pionniers
BlackRock et Amundi se distinguent par leur capacité à intégrer la technologie au cœur de leurs services financiers. Depuis près de vingt-cinq ans pour BlackRock, et quelques années pour Amundi, ces géants ont développé des plateformes technologiques robustes. BlackRock, avec son système Aladdin, et Amundi, avec Alto, offrent des outils de gestion de portefeuille, de contrôle des risques, de valorisation de fonds et de centralisation des ordres. Ces solutions sont désormais utilisées par des clients prestigieux tels que BNP Paribas Asset Management et OFI Invest pour Aladdin, ainsi qu'AG2R La Mondiale et Malakoff Humanis pour Alto.
Guillaume Lesage, chef des opérations d'Amundi, souligne l'importance de ces investissements technologiques : « D'un côté, nous avions beaucoup investi dans la technologie et, de l'autre, nous constations qu'il y avait une vraie demande de la part des acteurs de l'investissement pour de nouvelles offres ». Cette observation a conduit à la création d'Amundi Technology en 2021, une division dédiée au développement et à la commercialisation de ces solutions technologiques.
La montée en puissance de natixis
Inspirée par le succès de BlackRock et Amundi, Natixis Investment Managers (NIM) explore également cette voie. Selon des informations de « L'Agefi », NIM travaille sur la création d'une entité technologique similaire, bien que celle-ci soit initialement destinée aux sociétés de gestion du groupe. Cependant, la commercialisation externe de ces solutions ne saurait être exclue à terme. Ostrum, affilié principal de NIM, a déjà commencé à fournir des solutions technologiques aux gestionnaires de LBPAM depuis 2021, dans le cadre d'un accord avec La Banque Postale.
Philippe Setbon, dirigeant d'Ostrum et désormais patron de NIM, avait exprimé son ambition de faire de cette activité un pôle distinct. Cette stratégie pourrait offrir à Natixis une nouvelle source de revenus et un moyen de rentabiliser ses investissements technologiques.
Les avantages de la diversification technologique
Amortir les Investissements et Générer de Nouveaux Revenus
Pour les gestionnaires d'actifs, la diversification vers la technologie offre plusieurs avantages. Les dépenses informatiques nécessaires pour rester compétitifs sont considérables, et seule une poignée de grands acteurs peut les supporter. En commercialisant leurs solutions technologiques, des entreprises comme Amundi et BlackRock peuvent amortir ces coûts élevés. Selon Raphaël Cretinon du cabinet de conseil Périclès Group, « les gestionnaires d'actifs qui n'ont plus la taille critique pour faire face à des chantiers informatiques de plusieurs dizaines de millions d'euros se tournent vers des acteurs comme Amundi ou BlackRock, qui rentabilisent ainsi leurs propres investissements ».
En outre, ces services technologiques génèrent des revenus additionnels, relativement stables car basés sur des frais de licence. Bien que cette source de revenus soit encore modeste pour Amundi (60 millions d'euros en 2023), elle est significative pour BlackRock, atteignant près de 1,5 milliard de dollars, soit plus de 8 % de son chiffre d'affaires total. Ces résultats sont également attrayants pour les actionnaires, car ils contribuent à revaloriser les entreprises de gestion d'actifs, souvent sous-évaluées par rapport aux sociétés technologiques.
Les Défis de la Vente de Solutions Technologiques
Cependant, la vente de solutions technologiques comporte ses propres défis. Les compétences nécessaires pour vendre des logiciels diffèrent de celles requises pour vendre des produits de gestion d'actifs. Xavier Laborde de Silex, une entreprise qui développe des outils d'optimisation de portefeuille, souligne : « On ne vend pas des logiciels comme on vend des produits de gestion : le choc des cultures est trop marqué ». Silex a choisi de contourner ce défi en offrant ses outils via une interface API adossée à un éditeur de logiciels spécialisé.
Alexis de Bernis, directeur de la technologie chez Silex, ajoute que commercialiser une technologie développée pour un usage interne nécessite des investissements supplémentaires pour la transformer en une offre commerciale viable. Edmond de Rothschild a ainsi cédé son activité de gestion administrative des actifs à Apex, spécialiste du domaine, en fin 2023, préférant se concentrer sur son cœur de métier.
L'Innovation au Cœur de la Stratégie
Investissements Permanents et Innovation Continue
BlackRock et Amundi continuent de renforcer leurs investissements technologiques pour rester compétitifs. Aladdin et Alto se sont enrichis de solutions destinées non seulement aux gestionnaires d'actifs, mais aussi aux distributeurs d'épargne et aux dépositaires. En 2019, BlackRock a acquis eFront, un éditeur de logiciels spécialisé dans les marchés non cotés, pour 1,3 milliard de dollars, illustrant son engagement à long terme dans la technologie.
Guillaume Lesage témoigne : « Il y a quelques années, nos clients cherchaient simplement à remplacer le système qu'ils utilisaient, désormais ils viennent nous voir parce qu'ils veulent des offres innovantes ». À l'ère de l'intelligence artificielle, le potentiel de ces solutions est immense. Aladdin a récemment intégré un « copilote » pour améliorer l'expérience utilisateur sur sa plateforme, tandis qu'Amundi explore des applications de ChatGPT pour assister la rédaction de contenu marketing.
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