Odile Camblain-Le Mollé, Responsable gestion patrimoniale et diversifiée chez La Française AM
1) Présentez-vous ?
Je suis une femme de plus de 50 ans, divorcée, mère de deux enfants, parisienne depuis toujours, ayant fait toute ma carrière professionnelle en finance, depuis ma sortie d’école ;
Je suis diplômée du Magistère des sciences de gestion de l’université Paris Dauphine, élève de la promotion n°2 ! 35 promotions m’ont succédé.
Après une première expérience de 7 ans à la Barclays Bank au sein de l’équipe monétaire, j’ai rejoint pour 5 ans la Caisse Centrale de Crédit Immobilier de France, officiant toujours sur les marchés monétaire et obligataire. Durant cette période, les taux sont passés de 14% à 2% et le franc a été remplacé par l’euro ! De quoi remettre en perspective les enseignements universitaires et bousculer les automatismes sur les marchés….
Persuadée que l’environnement de taux bas allait rendre le métier moins réactif et attractif, j’ai décidé de « prendre du champ et la clé des champs ». Le temps de rénover une ruine en Normandie….
Après cette pause de 2 ans et les travaux terminés, j’ai retrouvé mes premières amours et intégré la filiale de gestion privée de La Française Des Placements en 2003. Par le jeu des fusions et des simplifications des structures, j’ai progressivement évolué pour devenir Responsable de la Gestion Diversifiée il y a 6 ans. A ce poste, je partage mon temps entre management de l’équipe, gestion de fonds et mandats et relations commerciales avec certains de nos clients. Un poste multi taches que j’apprécie, dans une société toujours innovante.
2) Comment avez-vous intégré la française ?
Peu encline à travailler dans un univers de taux à 0%, j’avais décidé de quitter les milieux obligataires pour explorer d’autres pistes. Et pourtant, deux ans plus tard, me voilà de retour sur les marchés, par pur hasard : ma sœur, Gérante Diversifiée de La Française Des Placements me signale qu’elle va évoluer pour se consacrer à la gestion actions. Son poste se libère donc. Par jeu, je décide de proposer ma candidature, et je suis sélectionnée. A cette époque, La Française Des Placements était une jeune société (2 ans), atypique, et son président trouvait « pittoresque » de compter dans ses effectifs deux sœurs, jumelles de surcroit ! De quoi faire le buzz !
20 ans après, je suis toujours là, ma sœur pour sa part a quitté la société il y a 10 ans. Et la société est passée de 50 personnes à 500 collaborateurs !
3) Quelle place occupe la femme dans la société ?
La Française ne porte peut-être pas son nom par hasard ! Et je peux témoigner que les femmes y sont chouchoutées !
Il n’y a pas, à ma connaissance, de discrimination à la Française qui au contraire est souvent à l’initiative d’actions concrètes pour promouvoir et faciliter le rôle et la place des femmes dans une industrie de la finance, encore aujourd’hui très masculine. Les exemples sont nombreux mais certains peuvent être plus emblématiques :
1) Le programme Further a été créé il y a bientôt 3 ans ; il permet aux femmes qui le souhaitent de profiter de l’accompagnement d’un Mentor qui pendant une année réfléchira avec la mentorée sur ses aspirations, ses objectifs et les actions à mener pour y parvenir. Un riche partage d’expérience entre un mentor (pas forcément féminin) et une mentorée qui sans tabou exprime ses doutes et ses aspirations au sein de la société.
2) La Française vise également l’égalité salariale et de nets progrès ont déjà été réalisés pour y parvenir. Pour les plus anciennes, le rattrapage est en cours, et les jeunes embauchées se voient offrir les mêmes rémunérations que les hommes, à formation et poste équivalents.
3) Lors de campagnes de recrutement, une mixité des shorts-list est assurée pour poursuivre le process d’embauche éventuelle et les managers sont sensibilisés régulièrement sur ces thématiques.
Ces exemples témoignent donc de l’importance des femmes au sein de l’entreprise. Les obligations réglementaires ont peut-être accéléré le processus d’égalité au sein de la société mais je peux confirmer que cet état d’esprit et d’ouverture vis-à-vis de la gente féminine est bien dans l’ADN de la société.
Pourtant, sans me considérer comme une « militante féministe », il me semble qu’aujourd’hui encore il reste du chemin pour arriver à la totale parité . A La Française, le pari de l’égalité homme-femme sera gagné lorsqu’à tous les échelons de la hiérarchie, on trouvera effectivement autant de femmes que d’hommes.
Par ailleurs, dans le cadre de mes activités, j’ai pu constater qu’au fil des années, les attitudes de nos clients avaient évolué. La condescendance que je pouvais ressentir de la part de certains de nos clients il y a 15 ans, a quasi disparu. Les mentalités ont bien changé. Une femme peut parler finance et affirmer son point de vue, même s’il n’est pas consensuel, aussi bien qu’un collaborateur masculin.
En 1998, lors d’une présentation que j’effectuais dans le cadre d’un séminaire, un des participants a regretté tout haut que je sois sur l’estrade en pantalon plutôt qu’en jupe ! Ses collègues ont ri ou souri. Pas un n’a relevé que cette intervention était totalement déplacée, que ce soit du côté de l’auditoire ou de mes supérieurs qui m’accompagnaient pour cet journée…. 25 ans plus tard, cela n’arrive plus ! C’est pour moi la première des victoires des femmes au titre de la parité.
4) Quelles sont les compétences clés ?
Humilité et Honnêteté sont pour moi les principales qualités pour exercer le métier qui est le mien.
En tant que gérante, il faut exprimer ses convictions mais éviter l’entêtement. « Avoir raison contre tout le monde » n’a jamais permis de dégager des performances positives et même si cela peut être très frustrant, il faut savoir couper des positions….
En tant que manager, il faut écouter et convaincre. C’est également vrai pour nos clients qui nous confient leurs actifs.
Mais avant tout, il faut être curieux et ouvert.
5) Une femme qui vous inspire ?
J’aurais pu évoquer Simone Veil, Marie Curie, Françoise Dolto ou Claudie Haigneré qui sont évidemment des modèles féminins forts et des icones dans leur domaine, mais aujourd’hui j’aimerais évoquer Jeanne Lydie R., qui m’est particulièrement inspirante.
Jeanne est une Femme du 20ème siècle, en avance sur son temps, née en 1906 à Fort de France en Martinique.
A une époque où les études pour les femmes étaient accessoires voir mal vues, et où la femme devait obéissance à son père puis son mari, Jeanne a choisi de quitter le confort de sa Martinique natale, pour passer son « bachot » à Paris et y suivre des études universitaires, sans l’accord de ses parents, évidemment. Le chemin tout tracé d’épouse et mère dans les iles Caraïbes ne lui correspondait pas, Jeanne souhaitait élargir son horizon et l’installation en Métropole s’est imposée pour pouvoir passer son Bac et étudier.
Ensuite, épouse d’un haut fonctionnaire, Jeanne est obligée de mettre sa carrière entre parenthèses pour accompagner son mari dans les différents postes où il était nommé. Elle s’est vite lassée du rôle de représentation dans laquelle on souhaitait la confiner, et s’est engagée dans la France libre de De Gaulle dés 1940, risquant sa vie pour ses idées.
Après la guerre, finalement divorcée d’un mari, qui n’imaginait pas que son épouse puisse travailler, elle a intégré la fonction publique, et a travaillé dans différents ministères jusqu’à sa retraite. Jeanne a ainsi côtoyé De Gaulle, Mesmer, Couve de Murville et bien d’autres. Un beau parcours pour une jeune antillaise de Fort de France !
Pour Jeanne, l’indépendance et la liberté avaient du sens ! Le travail et la curiosité d’esprit étaient sa marque de fabrique. Je la respecte pour cela, de même que j’admire son côté frondeur et volontaire. Jeanne n’a pas suivi le chemin qui était tracé pour elle, elle a obéi à son instinct, sans s’arrêter au « qu’en dira-t-on ».
Jeanne vous est inconnue, mais pour moi, c’est une icône, au même titre que les milliers d’anonymes qui ont fait évolué les mentalités et ont imaginé la parité avec 50 ans d’avance !
Jeanne était ma grand-mère !
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