





Interview exclusive de Bruno Jeanjean, directeur des investissements pour le compte des fonds discrétionnaires au sein de La Française

1. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis Bruno Jeanjean, je travaille à La Française depuis 1999, et je suis directeur des investissements pour le compte des fonds discrétionnaires depuis 2007. Les fonds discrétionnaires s’adressent à une clientèle Retail c’est-à-dire au grand public. Ces clients nous confient leur argent à travers des fonds SCPI (Société Civile en Placement Immobilier) qui sont des fonds de placement collectifs. La particularité des fonds discrétionnaires réside dans le fait que les porteurs de parts nous confient le pouvoir de l’investissement ainsi que sa gestion.
L’équipe d’investissement est composée de quatre responsables d’investissement, trois analystes et une assistante administrative.
2. Pourriez-vous présenter votre entreprise aux membres de Dogfinance ?
La Française est un asset manager généraliste, filiale du Crédit Mutuel Nord Europe, qui gère des valeurs mobilières et des valeurs immobilières. Ces valeurs immobilières représentent environ un quart de l’activité du groupe. La Française, anciennement l’UFG, est la plus grosse structure de gestion de SCPI française, et le leader en termes de capitalisation des SCPI.
3. Quelles formations avez-vous suivi ? Pourquoi avez-vous choisi cette orientation ?
J’ai eu une formation universitaire généraliste orientée marketing/économie, et à l’époque, dans les années 80, il n’y avait pas de formation spécialisée dans l’immobilier. Je suis tombé dans l’immobilier un peu par hasard. J’ai commencé ma carrière dans le secteur bancaire, puis on m’a proposé de travailler dans les financements des promoteurs immobiliers. J’ai vraiment appris le métier sur le terrain.
4. Comment avez-vous découvert les métiers de la fusion, de l’acquisition, du financement et de l’investissement ?
J’ai découvert le métier de l’immobilier par le biais de la banque : pendant la crise de 1991 j’ai géré une structure de défaisance, je me chargeais de transformer des créances difficiles en actifs, que je valorisais ensuite. A l’issue de cette mission, je suis arrivé à l’UFG où j’ai démarré en tant que responsable d’arbitrage, la mission était de vendre les immeubles de SCPI.
5. Pourriez-vous m'expliquer votre métier au quotidien au sein de votre entreprise ? Les missions, challenges, votre environnement de travail ?
L’activité consiste à investir l’argent des épargnants dans des actifs de qualité qui vont générer des revenus sécurisés. On a entre 1 et 2 milliards d’euros à investir par an et on achète environ 30 à 40 immeubles par an, il s’agit majoritairement d’actifs de bureaux.
Le job c’est donc de trouver des immeubles. C’est un métier de pilotage avec un aspect commercial : le relationnel est important.
Le challenge c’est de faire attention aux pièges lorsqu’on étudie l’immeuble, aux choses qui vont être cachées. Il faut aussi savoir être objectif.
6. Quelles sont les compétences attendues de votre métier ?
Il faut avoir un bon relationnel, être bon négociateur sur la partie commerciale, et il faut être rigoureux sur la partie de l’analyse. Il faut aussi être assez généraliste : avoir des notions juridiques, être un peu technique sur le sujet des immeubles, enfin il faut être financier et savoir calculer des rendements par exemple.
7. Quels sont les avantages dans les métiers de la fusion, de l’acquisition, du financement et de l’investissement ?
L’avantage de ce métier c’est qu’on touche à tout, c’est très généraliste. D’autre part, on aborde des problématiques d’étude de marchés, on est sur le terrain donc régulièrement en déplacement : il faut aller voir les immeubles, connaître les quartiers, etc.
Le relationnel qui est très présent est un autre avantage de ce métier.
8. Comment se déroule une transaction ?
Les brokers nous envoient des dossiers d’actifs à vendre, on doit donc faire un tri selon s’ils correspondent ou non à la politique d’investissement. Lorsqu’on retient des dossiers on fait une deuxième sélection grâce à une étude menée par les analystes (qualité du site, des locataires,..).
Les dossiers sélectionnés passent ensuite en comité, il s’agit d’une présentation assez détaillée.
Lorsque le comité valide le dossier, on fait une offre au vendeur. On entre alors dans une phase d’exclusivité où l’on étudie le dossier dans le détail afin de pouvoir évaluer l’immeuble.
Enfin, à la suite de cet audit, s’il n’y a pas d’élément défavorable on présente à nouveau le dossier en comité pour validation.
Dans la majorité des cas, il n’y a pas de gros sujet, mais il peut arriver de trouver un problème, il faut donc le révéler au comité afin qu’il juge le risque. Soit le sujet n’est pas grave et il faut régulariser la situation, soit au contraire le risque est trop important donc on n’achète pas.
La dernière phase est la signature de la promesse de vente. Environ 2 mois après on signe l’acte authentique.
Les asset managers prennent ensuite le relai en s’occupant de la gestion de l’immeuble pendant toute la durée de détention.
9. Peut-on dire que les métiers de l’investissement sont des métiers de demain ? A quels changements pensez-vous que ce secteur sera confronté ?
Absolument, je pense qu’on aura toujours besoin de gens qui ont une connaissance des marchés et des actifs pour investir dans l’immobilier. Avant d’acheter il faut absolument voir l’environnement de façon réelle, avoir des équipes qui vont sur le terrain, notamment pour éviter les pièges. C’est un métier indispensable car les porteurs de parts ont besoin d’avoir des professionnels qui les sécurisent dans leurs investissements.
Le secteur pourrait être confronté à des changements dans la partie de la pré étude comme des visites virtuelles par exemple. Bien qu’elles ne remplacent pas les visites physiques, elles peuvent être des préalables pour se faire une première idée de l’immeuble.
D’autre part, on peut prévoir des changements dans la sécurisation des actes (ex : signatures dématérialisées).
10. Quels conseils donneriez-vous à un étudiant souhaitant intégrer votre entreprise ?
Selon moi un bon investisseur doit « mettre les mains dans le moteur ». L’asset management est une bonne école. Autrement, si vous savez comment on construit des immeubles, ou si vous avez de l’expérience en tant qu’agent immobilier ou en administration de biens, vous avez un profil intéressant pour ce poste. Je pense qu’on ne peut pas faire de l’investissement en sortant de l’école, il faut se faire de l’expérience en amont.
11. Pensez-vous que votre parcours a été un atout pour progresser dans ce secteur ?
Oui car j’ai justement appris le métier sur le terrain, c’est la meilleure école.
12. Quels sont les avantages dans ce métier au sein de votre entreprise ?
Dans ce métier on est au cœur de l’activité et on collabore avec beaucoup de services, on a donc une vue assez générale sur ce qu’il se passe dans l’entreprise.
13. Un dernier mot pour la fin ?
L’investissement est un métier de généraliste qui fait appel à des connaissances dans des domaines variés. Vous pilotez un projet, une équipe, et vous touchez à tout.
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